François, pape diplomate
25.12.2014 - 08:16
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« Le pape, combien de divisions ? »
ironisait un jour Joseph Staline, avec son cynique bon sens de brute de
pouvoir, face à un politicien français qui lui conseillait de cesser de
persécuter les chrétiens. Le maréchal Staline était un politique du XX°
siècle. Le nôtre, pour le moment, n’est pas dominé par la pure logique
de puissance militaire. La capacité d’influence, l’autorité morale, la
culture, bref ce que les Américains nomment le soft power, compte davantage que le nombre de tanks et de missiles disponibles. Vladimir Poutine est en train d’en faire l’apprentissage…
Le pape François privilégie l’action internationale.
Est-ce un hasard s’il a nommé Secrétaire d’Etat – une espèce de premier
ministre – le chef de la diplomatie vaticane, Mgr. Pietro Parolin ? A
défaut de divisions blindées, le Vatican dispose de près de 180
représentations diplomatiques à travers le monde. Le pape François
entend jouer, sur la scène internationale, un rôle de conciliateur
discret, mais actif. Il est moins aligné sur les capitales occidentales
que ses prédécesseurs.
Jean-Paul II et Benoît XVI s’inquiétaient surtout de la déchristianisation de l’Europe, parce qu’ils y étaient nés. Le pape argentin a, du monde, une vision moins européo-centrée. Sa première préoccupation est la survie du christianisme originel au Moyen Orient,
où elle est menacée de disparition par le fondamentalisme islamiste et
les guerres d’épuration ethnique. D’où une série d’initiatives pour
tenter de mettre fin à la guerre civile en Syrie, en s’appuyant d’abord
sur les pays de la région qu’elle menace de déstabilisation, comme le
Liban et la Jordanie. On a remarqué que le nouveau pape avait entamé son
pèlerinage en Terre Sainte de la fin mai par la capitale d’un pays
musulman, la Jordanie. Il y a été reçu chaleureusement par le roi
Abdallah II, avec lequel il semble avoir noué des relations
privilégiées. Recevant le président libanais Michel Sleimane, en mai
2013, il s’est dit résolu à aider le petit Liban à faire face à l’afflux
de réfugiés syriens.
Le pape François a habilement dosé son voyage en terre sainte entre Palestiniens et Israéliens. Miracle ! il est même parvenu à faire prier ensemble, dans sa « maison » de Sainte-Marthe à Rome, les présidents israélien et palestinien,
lors d’une « invocation pour la paix au Proche-Orient », le 6 juin
dernier. Le Vatican envisage de jouer un rôle dans la relance des
négociations au Proche Orient. Ce pape entend faire de la religion un
instrument de paix, alors qu’elle est généralement perçue, par les temps
qui courent comme, le plus grand diviseur des civilisations.
Parallèlement,
le pape François, après avoir condamné les bombardements américains
contre Daesh, a semblé légitimer le rassemblement d’une coalition
militaire internationale pour chasser du Moyen Orient, l’Etat islamique,
faisant allusion au concept augustinien de guerre juste. Citation :
« Dans ces cas où il y a une agression injuste, je peux seulement dire
qu’il est licite d’arrêter l’agresseur injuste. (…) Les moyens par lesquels on peut l’arrêter devront être évalués. »
Rarement le rôle de médiateur discret, mais actif de ce pape diplomate n’aura été aussi bien illustré que lors de la récente réconciliation entre Washington et La Havane.
Après avoir écrit une lettre secrète aux deux présidents, François
l’Argentin, a invité des émissaires des deux pays à négocier
tranquillement les conditions d’un rapprochement au Vatican en octobre.
Mais ce rapprochement, qui était dans les tuyaux depuis longtemps,
n’aurait-il pas eu lieu sans cette médiation ?
On compare
souvent l’activisme discret de ce pape avec celui, bien plus voyant
déployé par Jean-Paul II pour la chute des régimes communistes en Europe
centrale. Et il est vrai qu’il apparaît comme plus prudent. Le pape François a ainsi refusé de recevoir le dalaï lama,
afin de ne pas froisser les dirigeants communistes chinois. Il s’est
gardé d’intervenir, devant le Conseil de l’Europe, sur le conflit
russo-ukrainien. Et il a fait preuve de beaucoup de discrétions au sujet
des exactions commises par le régime de Bachar el Assad contre sa
population – peut-être parce que ce dernier passe pour relativement
favorable aux chrétiens en Syrie.
D’où mon interrogation : la diplomatie est un art qui exige une certaine dose d’hypocrisie,
le respect de la force, un froid réalisme calculateur. Toutes ces
qualités sont-elles bien compatibles avec les vertus théologales telles
que les enseigne le christianisme ? Jean-Paul II ne voulait pas la paix à
tout prix, mais la démocratie et les droits de l’homme. François semble
privilégier la paix et la liberté religieuse de ses ouailles aux droits
de l’homme. La preuve par Cuba…