Le fonds Marianne, créé en 2021 après l'assassinat de Samuel Paty, avait pour objectif de promouvoir les valeurs républicaines. Mais au début du mois d’avril, plusieurs enquêtes ont fait peser des soupçons sur le bien fondé de l'octroi de ces fonds : certaines associations diffusant des contenus politisés, d'autres paraissant trop incompétentes pour mener à bien ces projets. Y a-t-il eu favoritisme, voire détournement de fonds publics ?
Une enveloppe de deux millions d’euros pour promouvoir les valeurs républicaines
Quel était l’objectif du fonds Marianne ? “L'objectif était clairement, pour la Ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, d'octroyer une enveloppe d'un peu plus de 2 millions d'euros à 17 associations qui étaient ensuite chargées de promouvoir les questions de laïcité et de lutter contre la radicalisation, notamment à travers des opérations de contre-discours républicain sur Internet”, explique Antton Rouget, journaliste à Médiapart. “Ces 17 associations se sont vu allouer un peu plus de 2 millions d'euros et aujourd'hui, les questionnements portent sur les deux principales structures qui ont reçu les fonds publics." Il précise que “les missions de ces deux structures posent un certain nombre de questions, à la fois sur sur leur pertinence, mais aussi sur le savoir-faire de ces associations et les conditions dans lesquelles elles ont été sélectionnées”.
Le mode de sélection des associations en question
Comment ces 17 associations ont-elles été sélectionnées et par qui ? “L'un des cœurs de l'affaire est de savoir comment ces associations ont pu être sélectionnées et bénéficier de cet argent", relève Antton Rouget. Le journaliste rappelle que "le financement de ces associations repose sur l'argent public du ministère de l'Intérieur, or la décision avait été prise par un comité de sélection composé à parité de membres du CIPD (le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation) et de trois membres du cabinet de Marlène Schiappa." Il ajoute qu’il s’agit “d’une décision mixte, administrative et politique et qu’aujourd'hui encore, on ne connaît pas les critères de sélection réels qui ont fondé la décision de ce comité de sélection. Dans le cas des deux structures aujourd'hui mises en cause, elles ne sont pas forcément compétentes en la matière, mais ont des accointances idéologiques très fortes avec la ministre Marlène Schiappa et des relations personnelles aussi avec des membres de son entourage”.
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Un "différentiel énorme entre les missions et les financements perçus"
Début avril, les enquêtes de France 2 et de l'hebdomadaire Marianne ont mis en lumière l'utilisation du fonds par l'une des associations : l'Union des sociétés d'éducation physique et de préparation au service militaire. Qu'est-ce qui pose problème dans l'utilisation de ces fonds publics alloués à cette première structure? “Cette structure est une association tout à fait respectable, reconnue d'utilité publique, qui a une histoire très ancienne, indique le journaliste. La manière dont le projet lié au fonds Marianne a été conduit dans cette association pose aujourd'hui tellement question que les nouveaux dirigeants de l'association ont eux-mêmes alerté le ministère de l'Intérieur pour évoquer les versements d'argent qui ont été opérés par les anciens dirigeants. En somme, on voit bien qu'il y a un différentiel extrêmement important entre la réalité des missions et les financements reçus", conclut Antton Rouget.
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Merci à Antton Rouget pour ses précieuses explications.