Aujourd'hui, le pape François a opté pour une visite à Marseille au lieu de Paris. Cette décision soulève des interrogations sur la relation entre les orientations politiques des catholiques français et leur lien avec le Vatican, donnant à cette visite une signification particulière.
Une attention accordée aux enjeux migratoires et humanitaires
Yann Raison de Cleuziou, professeur en sciences politiques à l'université de Bordeaux, rappelle l'attachement du pape François aux questions migratoires et humanitaires : "les migrants chez le pape François permettent à la fois de contester la mondialisation et de montrer à quel point la question environnementale génère de la pauvreté et donc des migrations. C'est une prédication religieuse qu'il adresse aux catholiques, mais aussi au reste du monde."
Néanmoins, il souligne la position réfractaire de la communauté catholique française sur ces questions depuis 2015 : "Si les catholiques étaient très engagés au sein d'ONG au service des migrants comme le Secours Catholique ou les jésuites réfugiés-service, à partir des attentats de 2015 et de l'assassinat en 2016 du père Jacques Hamel, ils ont eu l'impression d'être une minorité menacée dans leur propre pays. Comme s'ils craignaient de devenir aussi précaires que les chrétiens d'Orient et qu'il fallait dès lors contrôler les flux migratoires."
Une représentation contestée par une partie de la communauté catholique française
Yann Raison de Cleuziou remarque un glissement droitier chez les catholiques français et une forte résistance à l'égard de la prédication du pape François : "on a vu une frange de l'extrême droite, principalement autour d'Éric Zemmour et de Marion Maréchal, dénigrer le pape. Lors de l'élection présidentielle de 2022, parmi les catholiques pratiquants réguliers, Éric Zemmour a fait le double de son score dans le reste de la population française, c'est-à-dire environ 16 %. Il y a une vraie réactivité catholique à la figure d'Éric Zemmour parce qu'il a énormément joué de la symbolique religieuse. Il fait du catholicisme une frontière culturelle afin de distinguer les "vrais français" des autres. Donc, on a une instrumentalisation du catholicisme comme frontière. Ce discours a une résonance auprès des jeunes catholiques qui ont un sentiment de déclassement."
Que reste-t-il du catholicisme de gauche ?
Si la droite identitaire catholique est apparente sur la scène médiatique, Yann Raison de Cleuziou relativise "les proportions entre le catholicisme de droite et le catholicisme de gauche n'ont pas trop changé. Si on regarde le vote, il y a toujours, lors des élections présidentielles, environ 25 % des pratiquants réguliers qui choisissent des candidats de gauche. Mais ce catholicisme de gauche, a perdu la visibilité qu'il avait dans les années 1970. Il y a moins de figures qui en sont issues et de militants très actifs. Le mouvement a perdu les soutiens qu'il avait dans le jeune clergé des années 1970. Aujourd'hui, c'est plutôt la minorité conservatrice qui a les ressources et une certaine influence dans le clergé."