Pourquoi la recherche scientifique fait-elle l'objet d'autant de réformes ?
Joël Laillier tente de répondre à cette question : "il y a l'idée que la science ne produit pas assez d'innovation et de croissance économique. Il faudrait alors gouverner les savants, pour qu'ils orientent leurs efforts de recherche vers des domaines ou des sujets qui sont susceptibles d'avoir des retombées économiques. La seconde, c'est l'idée que l'allocation des ressources économiques aux chercheurs est inefficace. Tandis que par un financement incitatif et compétitif, on pourra en fait sélectionner les meilleurs chercheurs et mieux financer leur recherche. La tendance va alors vers une politique de différenciation des laboratoires, des chercheurs, des établissements, de mise en compétition pour sélectionner les meilleurs."
Cette tendance se concrétise via la création d'institutions comme l'Agence nationale de la recherche qui publie des appels à projet, c'est-à-dire un financement général sur plusieurs années, entre deux et quatre ans. Selon le chercheur, ces financements accordés représentent 90 % du budget de certains laboratoires. Si les chercheurs sélectionnent eux-mêmes les sujets à financer, "il y a évidemment des décisions politiques qui déterminent des priorités de recherches financées ou non par l'ANR."
Un système de financement dangereux ?
"Il faut bien comprendre que ce système de financement sur des temps courts et sur des appels compétitifs est un gâchis dans le système d'allocation des recherches et il empêche les chercheurs de déterminer eux-mêmes leur recherche", déclare Joël Millet.
Le Président de la République propose ainsi d'aller plus loin dans la sélection des chercheurs en finançant des équipes sur le temps long : "le problème, c'est que la science, ce n'est pas juste une affaire de quelques champions. C'est une pratique collective et que c'est impossible de savoir qui seront les chercheurs excellents de demain et quels seront les sujets excellents pour demain."