Efforts européens et usage mondial
Sans pour autant renoncer aux objectifs promus, les annonces de Gabriel Attal se veulent une main tendue vers les agriculteurs, particulièrement vers ceux qui témoignent de leurs difficultés face à la législation sur les pesticides. Comme le rappelle Giovanni Prete, sociologue et maître de conférences à l'Université Sorbonne Paris Nord, les caps de restrictions et de réduction ne datent pas de la présidence Macron. “L'objectif est relativement le même depuis quinze-vingt ans. On cherche à réduire l'usage des pesticides de 50%.”
Les différents plans Ecophyto adoptés en France traduisent une ambition partagée au niveau européen, mais implantée différemment entre les pays de l’Union. Giovanni Prete souligne toutefois que les plus gros efforts sont à mener à l’international. “Quand on parle des pesticides, on a souvent tendance à limiter le débat à l’Europe et à la France. Pourtant, les industries phytosanitaires se tournent aujourd’hui vers l’Asie et l’Afrique, qui sont les marchés d’expansion. Ces substances circulent autour du monde et c’est aussi à cette échelle qu’il faut penser les usages et les risques. La situation y est d'ailleurs préoccupante avec d’énormes risques de contamination environnementale et d’exposition des travailleurs.”
Un changement d’indicateur efficace ?
Parmi les déclarations du Premier ministre hier, il y a donc eu un changement de l’indicateur destiné à limiter l’utilisation des pesticides. Le très décrié NODU, pour nombre de doses unités, consacrait une logique de l’usage et limitait les quantités déversées. Il est désormais remplacé par une logique d’impact grâce au Harmonized Risk Indicator, ou HRI, qui restreint l’usage en fonction de la toxicité des agents.
Pour Giovani Prete c’est une mesure inefficace qui épouse les intérêts de l’agro-industrie. “Concrètement, ce changement risque de cacher le maintien de notre dépendance aux pesticides. Des ONG avaient déjà étudié le scénario d’un tel remplacement et avaient montré qu’il permettait de combattre partiellement les stagnations d’usage auxquelles nous faisons aujourd’hui face. Avec le passage au HRI, on peut effectivement atteindre une réduction de la dépendance aux substances les plus dangereuses, c'est-à-dire celles classées cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques de catégorie 1 ou 2. Néanmoins, la dépendance généralisée de notre agriculture aux pesticides reste une fois de plus négligée. Lorsque nous cherchons à nous libérer de ces agents, il ne s’agit pas simplement de changer les molécules ou de remplacer les produits répandus. Il faut faire évoluer toutes les pratiques agronomiques, la représentation de l'agriculture et aussi les filières agroalimentaires.”