Comment les cadres des Frères musulmans réagissent-ils à la destitution de Mohamed Morsi ? Comment se réorganisent-ils ? Direction Alexandrie, la deuxième ville du pays, l'un des bastions de cette confrérie dénonce un coup d'Etat.
Femmes en niqab défilant pour défendre Mohamed Morsi © Radio France - Alice Serrano
Un mot revient sur toutes les lèvres : coup d'Etat, la destitution par les armes d'un président élu démocratiquement. Le discours bien rodé et distillé à tous les membres et sympathisants des Frères musulmans est toujours le même parfois au mot près.
Les Frères musulmans se victimisent. Si les conditions de vie, si l'économie s'est dégradée sous Mohamed Morsi, s'il y a eu des coupures d'électricité et d'eau, une pénurie d'essence et de gaz c'est qu'on leur a mis des bâtons dans les roues lance Mohamed Soudane, le représentant à Alexandrie du parti liberté et justice, la vitrine politique de la confrérie : Depuis son accession à la tête du pays, le docteur Morsi est victime d'une crise économique fabriquée de toute pièce par l'entourage corrompu de Moubarack. C'est eux qui sont à l'origine de ces coupures d'électricité et des pénuries. C'est à cause d'eux que les gens ont protesté.
Une victimisation savamment orchestrée
L'autre cible parfaite : les médias qui ont sabordé le travail du président déchu. Cette victimisation est savamment orchestrée à l'égard de leur électorat. Ahmed, un habitant d'un quartier pauvre de la ville a surpris un membre de la confrérie distribuer hier des tracts dans la rue : leur titre "les martyrs de l'Egypte sur la route de la victoire". Ils tentent de nous amadouer, ils disent que les rebelles ont tué et blessé un grand nombre de leurs membres mais ils nous mentent, on ne veut pas d'eux ici. Avec d'autres habitants on a brûlé leurs tracts.
Le tract des Frères musulmans intitulé "Les martyrs de l'Egypte sur la route de la victoire" © Radio France Alice Serrano
Les Frères musulmans se font de plus en plus discrets dans ces quartiers où ils avaient l'habitude de vendre de la nourriture et des vêtements à bas coûts, où ils avaient installé des petites antennes médicales.
Comment se réorganisent-ils ?
Pour le moment la seule solution qu'ils proposent officiellement : des manifestations pacifiques pour demander le retour de Mohamed Morsi à la tête du pays.
Manifestation à Alexandrie pour défendre Mohamed Morsi © Radio France Alice Serrano
Nora Tabiba est médecin, elle a soigné des blessés pro-morsi vendredi dernier. "Les Egyptiens n'aiment pas la violence. En nous voyant manifester pacifiquement, ils commencent à comprendre que l'on est victime d'une conspiration et vont nous demander de revenir assure cette mère de famille. On tiendra jusqu'à ce que le pays retrouve sa liberté, jusqu'à la victoire. Comme bcp d'autres, Nora a quitté son travail pour se consacrer pleinement à sa cause, son mari lui a fermé temporairement les deux PME qu'il dirige et a encouragé sa vingtaine de salariés à descendre dans la rue.
Menace terroriste
Acculés et visiblement dépourvus de solutions concrètes pour gérer la crise actuelle, les frères musulmans s'adressent à l'Occident en agitant la menace terroriste. Mohamed Soudane, habillé à l'occidentale, barbe taillée court, a préparé un message : "Je veux dire à l'Occident que l'Egypte doit rester un pays démocratique, on a besoin de votre soutient pour garder, nous frères musulmans, notre légitimité. N'oubliez pas que si le pays redevient une dictature, les terroristes vont arriver en masse. j'ai entendu ce matin que bcp d'islamistes radicaux s'opposent à la tournure qu'ont pris les événements. Si la démocratie tombe ce sera non seulement dangereux pour l'équilibre de notre région mais aussi et surtout pour celui du monde entier. Un message alarmiste à l'adresse de l'occident alors même que les Salafistes ici soutiennent la révolte populaire. On s'en doute, pour des raisons différentes, Eux reprochent aux frères musulmans leur modération, de ne pas avoir appliqué la charia par exemple.
Depuis les affrontements de vendredi dernier, les frères musulmans se font discrets dans les rues d'Alexandrie, manifestent peu et uniquement dans leur quartier alors que les anti-morsi sont encore descendus en masse dimanche. La confrérie semble désemparée.
Une manifestation à Alexandrie en faveur de Mohamed Morsi © Radio France Alice Serrano