Qui est Mohammed ben Salmane, moderne aux traits autoritaires ?
"Mohammed ben Salmane a été parachuté par son père, le roi Salmane, comme ministre de la Défense aussitôt que le roi a accédé au trône en janvier 2015, rappelle Fatiha Dazi-Héni. Le roi Salmane a toujours voulu promouvoir ce fils dont il est le plus proche. Pourtant, il a d'autres fils, beaucoup plus capés, avec des compétences politiques. Lui est un novice en politique, mais fait preuve d'ambition et d'un caractère autoritaire. Il modernise le pays de manière très autoritaire. Les personnes issues de la société civile n'ont absolument pas le loisir de pouvoir exprimer une opinion alternative, sous peine d'être emprisonnées. Il y a une volonté de totalement dépolitiser et en même temps de libéraliser un peu les mœurs. Il s'agit d'offrir une sorte d'hédonisme à cette jeunesse, très nombreuse, de montrer au monde que le royaume est capable de sortir un peu de cette perception moyenâgeuse, wahhabite mais avec une pratique extrêmement autoritaire et irascible du pouvoir."
La politique culturelle, fer de lance du soft power saoudien …
"Auparavant, l'Arabie saoudite se distinguait essentiellement par son soft power religieux. Aujourd'hui, la politique culturelle est conçue comme la nouvelle centralité du soft power saoudien, explique Fatiha Dazi-Héni. L'Arabie devient un lieu de consécration des arts arabes avec de nombreuses galeries d'art biennales, un lieu de production cinématographique. La vitalité culturelle y est très forte. Pour cela, on a fait taire toute expression contestataire. Et les religieux aussi sont sommés d'avoir une rhétorique assez lisse, une ouverture tolérante. On a toujours présenté le royaume comme une théocratie, mais c'est une erreur, estime la chercheuse. Le royaume d'Arabie saoudite est régi par la loi islamique, la charia, mais ce n'est pas une théocratie au sens par exemple iranien du terme, où les religieux sont au-dessus du politique. L'establishment religieux est toujours soumis au politique, sauf qu'auparavant, il y avait une sorte de partage du pouvoir. Aujourd'hui, le pouvoir politique contrôle l'éducation, le juridique… C'est une monarchie plus absolue que jamais."
... qui assoit son pouvoir dans le secteur culturel français
Dans son ouvrage Nos Amis Saoudien, Audrey Lebel insiste sur la façon dont l'Arabie saoudite utilise des communicants et fait du lobbying en France pour asseoir son pouvoir. "Cela se traduit par des agences de communication telles Areva ou Publicis, qui ont contribué à redorer l'image du royaume, qui ont passé des contrats avec l'Arabie Saoudite pour, d'une part, permettre à MBS de retrouver une respectabilité sur la scène internationale et pour conquérir un peu les esprits, explique Audrey Lebel. Cela se traduit aussi beaucoup dans le domaine de la culture à l'Institut du monde arabe : il y a eu notamment en 2019, quasiment un an jour pour jour après l'assassinat de Khashoggi, une exposition consacrée à Al-Ula, entièrement financée par l'Arabie saoudite. Dans le domaine du football, c'est particulièrement éclatant. On l'a vu avec Karim Benzema, qui vient de signer un contrat de 200 millions d'euros pour rejoindre un club saoudien. Déjà en 2020, l'Arabie saoudite avait décroché le Paris-Dakar, une vitrine énorme. Cela se traduit dans le cinéma par notamment l'organisation du festival international du film à Djeddah, où on a pu compter sur la présence de personnalités françaises non négligeables. Cela fait partie de la stratégie de MBS de montrer que le royaume s'ouvre, se modernise, ce qui est une réalité. Mais il faut quand même le nuancer, tout cela reste de la poudre aux yeux, ces partenariats sont utilisés de manière politique", conclut la journaliste.