Derrière la gloire du prix, la précarité de l'écrivain
Jean Baptiste Andrea obtient le prix Goncourt pour son roman Veiller sur elle, paru chez L'Iconoclaste. Son éditeur et co-fondateur de la maison d'édition Laurent Beccaria déclare : "Jean-Baptiste Andrea n'a pas été qu'écrivain, mais aussi réalisateur pendant vingt ans, et décide à 47 ans de quitter cet univers et de se consacrer à son rêve d'enfant qui était d'être écrivain. Depuis il ne vit que de ses revenus de droits d'auteur."
C'est une situation privilégiée, dans la mesure où les écrivains sont largement touchés par la précarité. En effet, les tirages représentent en moyenne entre 5000 et 10 000 tirages, et une part plus faible de vente. Laurent Beccaria admet qu'une part très minoritaire d'écrivains parviennent à vivre convenablement de leur profession : "un auteur perçoit entre 10% et 20% des ventes de ses livres, selon le succès de son oeuvre. L'économie de la création est une économie extrêmement difficile, nous avons besoin de bourse, des éditeurs qui croient en leurs écrivains."
Une dévaluation de la fonction d'éditeur ?
"Je ne sais dans quelle mesure les maisons d'édition sont attentives à chacun des textes. L'effet de la réduction des coûts, on la voit sur la correction des textes. Ce n'est pas tellement une question d'être édité qu'une question d'être correctement relu et corrigé. Et ça, je trouve que c'est une insulte faite aux lecteurs." déclare Raphaëlle Leyris.
Laurent Beccaria nuance et fait part de son attachement au texte et à son auteur : "Moi, je sais que le premier livre que j'ai publié en tant qu'éditeur, je partais la rejoindre et passer la journée à travailler avec l'écrivaine une fois par semaine. Je m'attache au rêve une fois que l'écrivain a produit. Je pense d'ailleurs qu'un éditeur peut publier 7 à 10 livres par an en le faisant vraiment, en faisant vraiment son travail. C'est sûr qu'il y a des maisons d'édition qui n'ont pas ce ratio, mais quand on travaille bien, c'est payant et nous l'avons prouvé : on est parti seul, avec rien, 8000 euros en poche. Et maintenant, on est 70."
L'édition : un domaine entre les mains de géants
"Les deux premiers groupes de l'édition qui sont Hachette et Editis sont en train de changer d'actionnaire. Vivendi détenait Editis est en train de racheter Hachette et donc a dû revendre Editis. Editis a ensuite été racheté par le groupe détenu par Daniel Kretinsky, qui lui-même est actionnaire à hauteur de 25% de la FNAC. Donc ce sont des maisons parmi les plus centrales de la vie littéraire française, par exemple, Stock, Grasset, Lattès, et donc hier on a appris, coup de théâtre, que le nouveau patron d'achat de livres serait ce génie de la stratégie éditoriale qu'on connaît bien qui est Arnaud Lagardère", explique Raphaëlle Leyris.
La concentration du domaine de l'édition au sein de grands groupes pose question sur la qualité du métier d'éditeur, et sur les conditions d'exercice, souligne Raphaëlle Leyris.