Les dysfonctionnements de la machine publique
Dans son livre Est-ce bien nécessaire, Monsieur le Ministre ? paru aux éditions Albin Michel en octobre 2023, Jean-Pierre Jouyet, ancien secrétaire général de la présidence de la République de 2014 à 2017, affirme que toutes les réformes et toute l’activité dont il fut le témoin lors de son passage à l’Elysée n'ont pas toujours été utiles. “C’est plus une responsabilité collective qu’individuelle. Sous François Hollande, je n’ai pas fait suffisamment attention aux rapports de simplification, par exemple”. Par ailleurs, il incrimine un couple dysfonctionnel selon lui, à savoir le “couple politique-administratif” : “autant la haute administration et les politiques fonctionnent de manière assez proche, autant il y a une fracture entre ce que sont les administrations et ce que sont les responsables politiques” , explique-t-il.
“Aux yeux de l'écrasante majorité des politiques, la réforme n’est pas un travail de fond mais une manière de communiquer au gré de l’actualité” : selon Jean-Pierre Jouyet , la fréquence des annonces de réformes par le gouvernement est rarement suivie d’effets à court terme, renforçant alors la défiance à l’égard du politique aujourd’hui.
“L’enfer, c’est l’interministériel”
“L’interministériel, c’est la coordination sous l’autorité du Premier ministre des différents ministères, qui doivent trancher sur un point précis. Le problème, c’est que l’interministériel est une mécanique lourde, chronophage, qui n’aboutit pas toujours à des applications interministérielles. Il y a des féodalités : ce n’est pas parce qu’une décision est prise qu’elle sera appliquée dans tous les ministères”, selon Jean-Pierre Jouyet. L’ancien haut fonctionnaire et essayiste Emmanuel Constantin poursuit la réflexion de ce dernier : “je dirais même que ce jeu interministériel obéit à une forme de non-coopération quasi-systématisée entre les différents ministères. Il n’y a pas d’équilibre coopératif. La machine publique passe plus de temps à s’écharper en interne qu’à construire des politiques publiques ”.
L’influence des médias sur les pouvoirs publics
Selon Jean-Pierre Jouyet, les médias ont une influence non négligeable sur les actions menées par les responsables politiques. “A l’Elysée par exemple, il y a des responsables de la communication qui sont très influents et au fait de ce qu’il se passe dans les médias. De plus, l’investissement sur la communication politique est symptomatique de cet intérêt pour la sphère médiatique. Il serait toutefois naïf de penser que c’est en remplaçant des responsables de la communication qu’on change radicalement les choses en France”, conclut-il.