Demain, ils seront 970 millions d’électeurs en Inde à se diriger vers les urnes jusqu’au 1er juin, pour élire leur premier ministre. Au pouvoir depuis 10 ans, Narendra Modi mène sur la plus grande démocratie du monde une politique autoritaire et liberticide, mais ses leviers de pouvoir lui permettront-ils de remporter une nouvelle fois les élections ? Je pose la question à Christophe Jaffrelot, Directeur de recherche au CERI-Sciences Po/CNRS, auteur de « L'Inde de Modi : national-populisme et démocratie ethnique. éditions Fayard (2019) ».
En deuxième partie, un entretien inédit de la grande écrivaine indienne, Arundhati Roy. Personnalité du monde intellectuel indien et fervente opposante au pouvoir en place, elle répond aux questions de Frédéric Martel.
Comprendre le succès de Narendra Modi
Le cherche Christophe Jaffrelot rappelle que Narendra Modi est un pur produit du mouvement nationaliste hindou, aussi appelé "Volontaires de la nation indienne" (RSS) : "Il a rejoint ce mouvement à l'âge de 7 ans, il a été un cadre du mouvement, il a gravi tous les échelons jusqu'à être le secrétaire à l'organisation de l'Etat du Gujarat, son état natal à l'ouest de l'Inde. Ce mouvement s'est doté d'un parti politique, le BJP, et il est passé en politique jusqu'à devenir chef du gouvernement de l'Etat du Gujarat en 2001."
En 2002, les musulmans d'Inde ont subi un pogrom mené par les nationalistes hindous, qui les accusent d'être une cinquième colonne pakistanaise. "Après 14 ans à la tête de l'Etat, il est devenu le chef du gouvernement de l'Inde en 2014 et l'est depuis dix ans." Dans l'Etat du Gujarat, Narendra Modi applique une politique raciste, qu'il a ensuite étendu sur tout le pays : "Le modèle du Gujarat est d'abord une polarisation religieuse. Il mobilise la majorité hindoue, qui représentent 80% de la population indienne, contre les musulmans, à des fins électorales. Cette année, la campagne électorale a véritablement commencé lorsque Narendra Modi a inauguré le temple d'Ayodhya en janvier dernier. Les nationalistes hindous voulaient construire ce temple sur les décombres d'une mosquée depuis qu'ils l'avaient détruite en 1992."
Un entretien exclusif avec Arundhati Roy
Arundhati Roy est une écrivaine indienne des "petits riens", pour reprendre le titre de l'un de ses romans emblématiques The God of Small Things pour lequel elle a obtenu le fameux prix Booker en 1997. Féministe et très engagée à gauche (son oeuvre a été saluée par Naomi Klein ou encore Noam Chomsky), Roy a critiqué le système des castes en Inde qui contraint les individus dans leurs choix et les empêche de s'émanciper. Elle s'est opposé à la montée en puissance du nucléaire en Inde et à même critiquer Gandhi en raison de sa défense d'un certain statu quo social. Elle est enfin très critique aujourd'hui contre le régime actuel du premier ministre Narendra Modi. L'entretien a été réalisé chez Arundhati Roy, dans son appartement de New Delhi, par Frédéric Martel, producteur de "Soft Power". Cet entretien que nous diffusons ce matin sera complétée dimanche par une émission complète sur l'Inde de Modi que Frédéric présentera de 18h à 20h dans Soft Power.