La revue de presse
Mardi 30 août 2022
Avant de monter à la guillotine, le condamné marquait la page du livre qu'il laissait - Houllebecq, le Figaro.
Résumé
Des femmes donnent leur or et leur bijou à un homme qui les hypnotise en récitant des sourates et paralyse leur volonté , Libération. Des jeunes gens subissent racisme et fantasmes sur des applis de rencontre, le Monde. La République du Centre explore une plage libertine sur la Loire.
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On parle d'un marque-page...
Qu'on appelle également signet, ce petit ruban que l'on glisse entre les pages du livre qu'on doit un instant quitter - et dans le Figaro, Michel Houellebecq nous en raconte une bien étrange histoire de signets... Il dit Houellebecq, que sous la révolution française quand les condamnés attendaient leur tour devant la guillotine, un bon nombre lisaient, et parmi ceux qui lisaient, certains, juste avant d’être saisis par les aides du bourreau, ont placé le signet à la page exacte où ils en étaient restés... Et Houellebecq poursuit : "Ça ne peut vouloir dire qu’une seule chose, c’est qu’au moment où il lisait, le lecteur était tellement plongé dans son livre qu’il avait complètement oublié qu’il serait décapité dans quelques minutes."
Et ainsi, dans cette allocution prononcée en juin devant une université sicilienne qui le faisait docteur, et que le Figaro, merci, publie, le romancier Houellebecq, qui se définit d'abord comme lecteur, car il a plus lu cet homme qu'il n'a écrit, nous dit la puissance inégalée du roman, qui seul nous arrache à la souffrance...
Et se mots tombent à la fin d'un été marqué par l'attentat contre Salman Rushdie, dont le Monde nous dit qu'il a été moins soutenu par la société littéraire cet été qu'en 1989 au moment de la fatwa de Khomeini. Mais dans Libération vous lirez un ami de Rushdie, l'écrivain irlandais Colum McCann, qui au-delà de l'ombre de la fatwa déplore notre époque où l'on ne supporte plus ce qui ne nous ressemble pas, "entrez ma pièce si vous me ressemblez, si vous parlez comme moi" McCann parie que Rushdie fera œuvre extraordinaire de ses blessures, il cite un vers des Mu'allaqât, des poèmes arabes pré-islamiques écrits sur des rouleaux géants qu'on accrochait dans les marchés. « Y a-t-il un espoir que cette désolation puisse nous apporter du réconfort ?»
Sur le site de l'Obs, lisez une désolation qui frappe l'Amérique où dans les écoles, à la demande de parents encouragés par de nouvelles lois locales, on interdit les livres qui pourraient perturber les jeunes âmes -on parle moins ici de la censure de gauche, qui voulait protéger la sensibilité des minorités raciales, que d'un mouvement puissamment conservateur et puissamment absurde, qui dans un district texan a fait interdire la bible dans les écoles, oui la bible, pour contenus sexuellement explicites. Où est le réconfort ?
Dans le Monde, je lis le racisme que subissent sur les applications de rencontres jeunes gens jeunes femmes noirs maghrébins asiatiques que l'on repousse ou pire encore que l'on désire non par pour eux-mêmes mais pour les fantasmes qu'ils inspirent, “j’ai toujours rêvé de coucher avec une Noire, je sais que vous êtes des sauvages au lit”, a trop souvent entendu Christelle...
Dans les Inrocks spécial rentrée littéraire, à l'ombre de la grande Virginie Despentes on nous alerte sur l'écrivaine Diaty Diallo dont sort le premier roman scandé de raps de contrôles de police de marrades et de pétards, "Deux secondes d'air qui brule", où un lascar ayant trouvé un boa, le colifichet pas le serpent, chante du Piaf tournant dans la rue jusqu'à s’évanouir, et la poésie nus arrache au cliché, et un roman, est-ce étonnant, est un réconfort contre la désolation du racisme...
On parle aussi de marabout...
Et nous reviennent des clichés ethniques raciaux magiques, d'envoutement de superstition et aussi d'escroquerie, tant ce vieux mot Marabout qui honorait des saints africains est devenu un triste folklore.
Marabout nous attend dans l'affaire Pogba que l'Equipe le Figaro Libération le Parisien dans des papiers copieux, dissèquent après nous, triste comme une fratrie détruite, quand le champion du monde Paul accuse son grand frère Mathias de tentatives d' extorsion, et quand Mathias accuse Paul d'avoir voulu marabouter Kylian Mbappé. Et cette affaire, dit Libération "donne l'impression étrange d'un aperçu sur les arrière-cuisines du football où personne n'est ce qu'il a l'air d'être..."
Mais il n'est que le football qui nous perturbe, et dans Libération encore guettent d'autres marabouts escrocs qui dans la région de Roubaix interpellent des femmes maghrébines au prétexte de demander le chemin de la mosquée, et puis fixent leurs yeux les hypnotisent en leur récitant des sourates du Coran, leur mettent dans la main une étrange pierre noire, et puis leur disent qu'elles sont ensorcelées mais qu'ils peuvent les guérir en purifiant leurs bijoux... Et alors ces femmes, une quarantaine dit Libération vont chercher leur or et le donnent aux bandits... Cette escroquerie dure depuis des années, elle est une déclinaison d'une technique de vol pratiquées au Maroc, elle ressemble aussi aux méfaits de bandits chinois, qui à Paris par une substance chimique appelée le souffle du dragon, annihilaient la volonté de leurs victimes
Et comme dans l'affaire Pogba, l'escroquerie à la pierre noire et au désenvoutement inspire une gêne fascinée, quand nos paysages familiers -l'équipe de France ou des quartiers populaires- sont percutés par une brutalité irrationnelle, étrangère... Et l'on comprend que la police, à Roubaix, partage cet embarras, tant elle n'intervient guère contre ces vols par ruse -l'expression simplement française passe mieux. Des enfants de victimes mènent l'enquête eux-mêmes, et cherchent sur les marchés du Nord les marabouts qui ont volé leurs mamans...
On parle enfin d'une invention.
Que revendique dans le Parisien un informaticien, José Montet, d'Athis-Mons, qui prétend avoir inventé, à l'aube de ce siècle un système sécurisé de paiement sur internet, avant tout le monde et notamment avant Pay Pal le géant mondial de la transaction, qui l'aurait copié et qu'il poursuit en justice lesté d'un gros dossier qui à la première lecture n'arrache pas la conviction, mais il reste le panache d'un homme seul face à la puissance et du coup, ça a du style de le voir espérer la justice ou des millions, ou une chimère...
Dans la République du Centre, de vaillants confrères traquent une autre chimère, mais celle-là est charnelle; au bord de la Loire à un quart d'heure d’Orléans, la plage de Sandillon abrite naturistes et libertins, des amours en plein air, des ébats torrides dont les reporters David Creff et Nicolas Bontron cherchent la trace mais la frôlent seulement; ils croisent deux octogénaires en casquettes qui n'ont plus l’âge de l'amour, alors ils viennent bronzer et mater aussi disent-ils, sont-ils des sages, ou bien, comme peste une dame naturiste, de vieux cochons?
Dans son chouette texte publié par le Figaro, Houellebecq nous dit aussi que si la littérature console, aucune invention en terme de bonheur n'arrive à la cheville de la sexualité, il nous propose aussi d'aller à la plage lire du Sherlock Holmes. Il ne précise pas si c'est près d’Orléans.