Le Reportage de la Rédaction
Mardi 26 septembre 2023
Adapter la forêt au changement climatique
Une des parcelles de la forêt domaniale de Moulière (Vienne- Sept 2023) ©Radio France - Véronique Rebeyrotte
es dix dernières années, la santé des forêts françaises s'est considérablement dégradée, avec comme conséquence des dépérissements massifs et une division par deux du puits de carbone forestier. L'ONF s'est donné pour mission de rendre les forêts plus robustes face au risque climatique.
Ancienne forêt royale, la forêt de Moulière située dans la Vienne à 15 kms au nord-est de Poitiers, est une forêt d'expérimentation et de solutions, espère l'Office National des Forêts, qui gère 25% des forêts françaises. Un laboratoire à ciel ouvert où l'on expérimente différents scénarios pour anticiper le climat de demain et ses effets sur la forêt. Au-delà de la question cruciale du choix d'essence, l'approche dite de "forêt mosaïque" valorise aussi l'alternance dans l'espace et dans le temps de plantations d'arbres et de types de sylviculture.
Guillaume Labarre, responsable de l'ONF dans la Vienne au pied d'un chêne multicentenaire dans la forêt de Moulière © Radio France - Véronique Rebeyrotte
"Je suis au pied d'un chêne sessile de plus de 250 ans mais autour de nous il y des arbres de taille, de hauteur et de diamètre bien différents. On est dans ce qu'on appelle une futaie irrégulière. Le chêne multicentenaire côtoie directement des pins sylvestres, d'autres chênes plus petits, des bouleaux... C'est une parcelle qui est en fait très localement une 'forêt mosaïque'."
Le réchauffement climatique : une tempête silencieuse
Un choix plus grand des essences, d'âges différents, une sylviculture variée, moins de forêts rasées d'un seul tenant sont les pistes étudiées par l'ONF qui se doit d'agir face à une "tempête silencieuse" estime Albert Maillet, directeur des forêts et des risques naturels.
"On est quand même dans une trajectoire climatique issue des scénarios du GIEC avec un plus 4 degrés à l’horizon 2 100. Pour vous donner une idée, plus 4 degrés d’ici 2100, c’est une amplitude thermique qui naturellement se fait en 10 000 ans. C’est-à-dire qu’on est en train de réfléchir à des modèles et des schémas où on va essayer de faire absorber par la forêt un choc thermique en un siècle équivalent à un choc thermique naturel sur 10 000 ans. Le problème c’est l’eau. Effectivement, l’eau devient un facteur limitant. Comme l’eau devient un facteur limitant, le moteur photosynthétique fonctionne moins fortement évidemment et donc la séquestration de CO2 se réduit. C’est physique. On ne pourra rien faire contre. En revanche, là où on peut jouer, c’est qu’en fonction du type d’essences, du type de mélange d’essence que vous avez, cet impact de ralentissement photosynthétique sera plus ou moins fort. Donc si vous avez un bon mélange d’essences vous allez tamponner le système. Si vous avez un mauvais mélange, ça va l’accélérer."
Antoine Bled, directeur de l'agence territoriale Poitou-Charentes de l'ONF en forêt de Moulière ( sept 2023) © Radio France - Véronique Rebeyrotte
Des essences remontées du sud vers le nord
En forêt de Moulière, des espèces plus méridionales, sont introduites car susceptibles de mieux résister aux sécheresses. Elles viennent du sud de la France mais aussi d'autres pays "chauds". Antoine Bled, directeur territorial Poitou-Charentes à l'ONF.
"On mène un programme de migration assistée. Par exemple ici sur le massif de Moulière, on a planté dans le cadre des dispositifs des "îlots d’avenir", des pins de Turquie, des chênes pubescents de provenance espagnole, des sapins d’Espagne et des sapins de Turquie. Le bénéfice des décisions que l’on prend aujourd’hui, on le mesurera dans 20-30 ans à peu près. On ne met pas nos œufs dans le même panier. On se laisse un maximum de solutions pour éviter les impasses".
Filet pour récupérer des glands en forêt de Moulière dans la Vienne (Sept 2023) © Radio France - Véronique Rebeyrotte
Planter un milliard d'arbres d'ici 2030
500 millions d'euros sont prévus pour la forêt dans le cadre de la planification écologique. De l'argent attendu par toute une filière qui doit aussi faire face au défi de planter 1 milliard d'arbres d'ici 2030. Une filière qui devra elle aussi s'adapter. Selon Albert Maillet, de l'ONF :
"Il faut de l’argent car s’il n’y en a pas on manque de carburant pour faire fonctionner le système. Et après il faut des moyens humains. Cà passe par les gens qui vont ramasser les graines , qui vont les sécher. Le passage en pépinières pour transformer ces graines en plants. La récupération des plants puis aller reboiser ensuite en forêt par des entreprises spécialisées dans les travaux forestiers. Donc c’est en fait tout cet écosystème économique qui doit s’organiser et monter en puissance pour pouvoir utiliser l’argent disponible."
L'an dernier, la France n'a pas respecté ses objectifs en matière d'émissions nettes de gaz à effet de serre en raison notamment des forêts et des sols qui ont absorbé moins de CO2 qu'espéré.