Le Reportage de la Rédaction
Lundi 8 janvier 2024
Le Défi de janvier : l'occasion de faire le point sur sa consommation d’alcool
De jeunes gens boivent un verre en terrasse à Toulouse, le 11 septembre 2023 ©AFP - CHARLY TRIBALLEAU
Pour la cinquième année consécutive, les associations d’addiction invitent les Français à relever le Défi de janvier, la version française du Dry January britannique. Les professionnels de santé espèrent ainsi conscientiser la population malgré l’absence de soutien des pouvoirs publics.
C’est la fin de journée et Louise Alice et Jérôme se retrouvent au bar à côté de leur université à Paris. Les trois étudiants ne s’estiment pas dépendants de l’alcool mais boivent régulièrement, “entre un et deux verres tous les deux jours en moyenne” pour Jérôme voire “tous les jours certaines semaines” pour Louise, 20 ans. Pour eux, c’est inimaginable de tenter le Défi de janvier durant leurs années d’études. L’environnement universitaire est trop incitatif à la consommation d’alcool. “En tant qu’étudiants je pense qu’il y a une vraie pression sociale. Pour intégrer les associations étudiantes par exemple, on est obligés de boire”, reconnaît Louise.
Les professionnels de santé dénoncent un manque de sensibilisation. Dans une lettre envoyée au début du mois de décembre 2023, 48 addictologues appellent le ministère de la santé à soutenir leur campagne. Parmi eux, le professeur Amine Benyamina qui déplore la banalisation de l’alcool. “Lorsque l’on compare l’incidence des décès en France, il y a 78 000 morts liés au tabac et 42 000 morts liés à l’alcool. La seule politique pour laquelle tout le monde estime qu’il est important de se mobiliser c’est celle contre le tabac”, fustige-t-il. Et il dénonce “ la puissance du lobby et ses ramifications au sein du pouvoir en France”.
Selon le professeur, il y a même une inversion de paradigme : c’est celui qui ne boit pas qui est considéré comme anormal. Elena, 27 ans, l’a constaté il y a un an. Après un mariage arrosé, une succession de soirées et un moral finalement affecté, elle s’est lancé le défi de ne pas consommer d’alcool pendant un mois. "Au début j'ai eu beaucoup d'étonnement de la part de mon entourage quand je refusais des verres", confie-t-elle. Et puis, elle a progressivement appris à décliner les propositions quitte à se sentir à l'écart. "Cela a été un vrai défi de pratiquer ce non et de savoir quand est-ce que l'alcool était une obligation de consommer en société et quand est-ce que ça faisait vraiment plaisir".
Depuis, elle ne boit plus qu'occasionnellement. La jeune femme s'autorise un verre de vin au restaurant d'une manière sporadique et constate les bienfaits sur sa santé physique et mentale. "Je n'ai plus de détresse psychologique en lendemain de soirée et au niveau physique je me sens bien plus active", observe-t-elle.
Prendre conscience des effets néfastes de l’alcool, c’est tout l’objet du Défi de janvier selon les professionnels à l'origine de cette campagne. Catherine Delorme, vice-présidente de Fédération Addiction, y voit l'occasion de s’apercevoir "qu’est-ce qui se passe pour moi si je baisse ma consommation". Le professeur Amine Benyamina rappelle que l'alcool est un produit toxique dont la consommation engendre des risques pour la santé lorsqu'elle devient régulière. "Au-delà de deux verres par jour tous les jours si on ne s'arrête pas pendant 48 heures sur les dix jours, on augmente les risques", rappelle-t-il. Le professionnel indique que l'alcool est responsable d'une soixantaine de maladies dont environ 60 % sont des cancers parmi lesquels "certains sont difficiles à imaginer quand on parle d'alcool comme le cancer du sein où la prévalence est très élevée." Il énumère aussi les conséquences en matière d'hépatites "le foie, l’œsophage", ainsi que neurologiques "l'alcool détruit de manière mécanique les cellules du cerveau et on peut avoir des accidents vasculaires cérébraux".
En quatre ans, le nombre de Français à avoir participé au Défi du janvier est passé de 10 millions à 25 millions. Pour cette cinquième édition, les associations espèrent poursuivre cette progression.