La revue de presse
Jeudi 16 mai 2024
"Moi, j'ai réveillonné Avec Van Gogh et Verlaine", chantait Jean-Claude Mahy, poète de Charleville...
... dont l'Ardennais m'a appris le départ, et dont j'ai trouvé les vers sur le site "Lézardes et Murmures". La Vie nous ramène Jacques Ellul qui savait que nos techniques seraient nos prisons. La Croix l'Hebdo nous offre les mots de Vanessa Dougnac que l'Inde a chassée, qu'elle aimait tellement.
Vous nous parlez d'un exil...
L'exil d'une femme, française, qui a perdu le pays qu'elle aimait, et qu'elle avait choisi... L'Inde dont elle raconte dans la Croix l'hebdo, les couchers de soleil sur Delhi, les oiseaux qui survolent un lac et des ruines séculaires, mais aussi la chape jaunâtre de la pollution, le cri d'un vendeur d’un vendeur de légumes, le frottement d’un balai sur la chaussée et un air de Bollywood sur la sonnerie d’un portable, un châle en poils de yak, offert par des nomades, les ciels gris de mousson criblés de milliers de cerfs-volants colorés…
Et il n'est pas un mot dans le texte de notre consoeur Vanessa Dougnac qui n'est imprégné de l'amour de l'Inde, où depuis 20 ans elle était correspondante, et qu'elle a du quitter au mois de février, chassée par le pouvoir politique pour avoir écrit des articles « critiques » et « malveillants », troublant ainsi "l’ordre public et la paix" et agissant contre « les intérêts de souveraineté et d’intégrité" du pays...
Et vous lisez alors à travers le désarroi d'une consoeur toute l'évolution de l'Inde, où la liberté de la presse qui était un pilier du pays est sapée par les ultra-nationalistes au pourvoir du premier ministre Modi, où la couleur safran de l'hindouisme domine et il est périlleux de ne pas pavoiser, où l'on se salue dans la rue avec ces mots "gloire au dieu Ram", et je pense forcément à d'autres saluts totalitaires que nous avons connu...
Vous lisez Vanessa Dougnac pour saisir l’Inde; mais vous lisez aussi sans fard la blessure d'une femme dont le monde se renverse, qui avait été libre dans ce pays choisi aussi par anticolonialisme, et qui se retrouve catapultée dans le camp de l'ennemi, une des « media blanc »s, elle a résisté de long mois pour rester, "I love india" disait-elle à un diplomate avant de se cacher pour pleurer...
Dans nos journaux -comme sur cette antenne- on raconte la perte de la Nouvelle-Calédonie et viennent aux Unes, entre la Provence le Progrès le Figaro les Echos, les mots "chaos", "guérilla", "guerre civile", que la Croix et Libération atténuent de bonne volonté, « urgence pacifique », « urgence de dialogue », quand l'Humanité accuse Paris, « d'attiser le feu » et choisit la lecture anticolonialiste, "parler de démocratie dans une situation coloniale est grotesque" dit un leader indépendantiste. Ainsi nos journaux parlant d'un drame disent aussi leurs valeurs - et à cette aune, l'Opinion n'est pas la moins intéressant de nos titres, qui titre sur « l’ombre de la Chine », et inscrit la Nouvelle-Calédonie, la Kakany dans le jeu géopolitique... Car Pékin, joue son jeu le Pacifique, Tonga Samoa Salomon Papouasie Nouvelle Guinée, et donc Nouvelle-Calédonie, où une association de l'amitié sino-calédonienne influe sur un mouvement indépendantiste; c'est un argument déjà exprimé du Président Macron, que l'on réitère aujourd'hui ,pour le maintien de l'ile dans la République -je lis dans l'Opinion que la chine s'intéresse aussi au nickel calédonien mais celui-ci me disent les Echos est une filière à l'arrêt...
On parle aussi de Dieu...
Auquel un professeur bordelais avait remis son oeuvre au siècle de dernier « S’Il veut que cette écriture continue à avoir de l’influence et à être lue et reçue, ça sera ainsi », écrivait Jacques Ellul qui est mort il y a trente ans et que je vois à la une de la Vie, avec ce titre malin, "Iconoclaste et icône", qui nous évite le mot de « prophète », galvaudé... Mais pourtant, ses mots résonnent quand nos vie nos libertés nos libres-arbitres semblent rognés par la technique...
« Chaque habitant sera suivi dans toutes les étapes de sa vie, géographiquement, biologiquement, économiquement, et la police saura avec exactitude tout ce qui est nécessaire pour contrôler chacun. » Cela date de 1954... Et vous lirez alors la gloire posthume, les disciples les héritiers de Ellul, qui de son vivant en son pays ne fuit pas prophète. il dénonçait dans nos prouesses techniques une idolâtrie et un esclavage, une emprise, il redoutait dans nos griseries que nous oubliions nos limites.
Ellul, résistant, organisateur de ciné-club, connaisseur du marxisme sans le pratiquer, était chrétien passionnément, il avait à 18 ans ressenti la présence de dieu, "une espèce de présence indiscutable, quelque chose d’effarant, de stupéfiant", alors que chez lui il traduisait Faust, cette histoire allemande d'une âme dont le diable fait emplette... Et au-delà des idées de nos damnations de ses failles aussi, il en avait, c'est le bonhomme Ellul qui me renverse...
Dans le Nouvel Obs, je lis une histoire de bêtes et de techniques, où pour sauver le monde divergent d'un côté philosophes écolos et de l'autre des ingénieurs et économistes futuristes... Ces derniers ont calculé qu'en ressuscitant les baleines, que tant avons exterminées pour leurs graisses et leurs fanons, on ranimerait une technologie de piégeage du carbone aussi vieille que le monde, car chaque baleine dans son existence stocke 33 tonnes de CO2, alors on va donner un prix aux baleines, on va les coter comme une valeur sure, les mettre sur le marché pour sauver le climat...
A l'opposé des artistes, sur les terres veulent ranimer les castors, eux aussi tant tués, ou s'inspirer d'eux, pour sauver les cours d'eau, les accompagner, nous épargner les crues... Souris-tu Ellul, de cette humilité...
Dans le Maine libre on me parle de trous, qui minent une commune de la Sarthe nommée le Lude, des anciennes carrières. Sur le vide que l'homme a créé, on a quand même construit des maisons, et parfois on tombe, soudainement, comme un philosophe rencontre Dieu. Jean-Paul bricolait dans son atelier il y a deux ans quand soudain il s'st retrouvé 6 mètres plus bas il s'en es sorti, mais pas Odette Martineau, qui savait que sa cour, rue du Croissant, était sur le vide, qui disait qu’elle finirait certainement dans ce trou et qui est morte ensevelie sous des gravas, son chariot de commissions au bord du gouffre qui l'avait avalé...
On parle enfin d'une marinière...
Celle qui rendait Etienne Daho jeune si désirable sur la pochette d'un album il y a quarante ans et dont le chanteur raconte l'histoire, et c'est une tendresse de mode et de poésie, les vêtements d'un homme qui n'était pas fashion victim pourtant, mais ses habits étaient nourris d'une amitié avec Jacno et Eli Medeiros, ah ce blouson de cuir rouge qu’il ou elle lui avait donné... Et rarement dans le Figaro l'insignifiant d'apparence n'a été aussi essentiel.
Dans l'Ardennais ce matin, on me parle d'un poète qui nous a quitté à 85 ans… Et j’ai trouvé ses mots -sur le site poétique « lézardes et murmures », ce rêve d’un festin avec les grands ancêtres….
Moi j'ai réveillonné
Avec Van Gogh et Verlaine
Avec Vincent François Paul et les autres
Avec des crevettes rouges
Et des bouillies de cachots
Avec des remugles de vin
Des bordels d'Arles
Avec des absinthes des fonds de Charleroi
J'ai réveillonné avec la jeune géante
De Baudelaire
J'ai réveillonné avec Jean Baptiste Clément
Le poing levé sur la misère…
J’ai trouvé aussi ce café où je me serais volontiers invité…
C’est un bistrot tout vert
Un bistrot tout rouge
Le p’tit bistrot d’Rimbaud
Le p’tit bistrot du Châtieau
On s’y noie dans le Ricard
Avec l’ami Nougaro
C’étaient quelques vers de Jean-Claude Mahy, qui était lis-je une gueule, poète libertaire et anarchiste sincère, à « l’empathie féroce », fidèle tout sa vie au quartier de la Houillère à Charleville , qui avait enseigné le français et les arts plastiques au collège, prenait des photos dans la rue, dessinait, avait créé un journal satirique, et même deux, qui montait sur scène, et aimait les jardins, et les chiens le poète Jehan Rictus, maitre de l’argot, e Brassens et Caussimon et Léo Ferré qu’il avait rencontré au théâtre de Charleville-Mézières
Il laisse des recueils et ses souvenirs, intitulés « les Mémoires d’un Christ de comptoir ».
Sur la photo de l'Ardennais, il est massif dégarni et beau, tire sur une cigarette, je sens la fumée, je l’entends, je le devine, il est un de ces amoureux âpres des mots et des gens qui poussent dans les replis de notre pays…