La revue de presse
Mardi 21 mai 2024
Le Monde raconte Sedan, une jeune femme tchétchène blonde et belle, libre et amoureuse et qui a disparu...
Ouest-France se souvient de trois femmes tondues, humiliées et pendues en Bretagne, lors de l'épuration sauvage de l'été 44. Sud-Ouest nous fait douter de la belle histoire de "frères". Le Courrier picard et le Parisien racontent une course cycliste amateur qui a viré au fait-divers.
Vous nous parlez d'un femme...
Qui est jeune blonde belle libre et amoureuse et qui a disparu, elle se nomme Seda, voyez son visage en photo sur le site du Monde, rêveuse près d'un chien superbe qu'elle gardait, c'était son dernier métier avant sa disparition...
Donc Seda Souleïmanova, elle a 27 ans, parlons d’elle au présent. Une de des femmes broyées dont sporadiquement les histoires nous viennent, du Caucase au coeur de la Russie. Elle est de Tchétchénie, elle étouffe chez elle, elle n'a pas été mariée de force adolescente comme ses soeurs mais elle veut voir autre chose, dessiner, voyager, et ses envies de vivre déplaisent à son oncle et son frère.
Fin 2022 elle part, à Saint-Petersbourg, elle se fait une amie, Lena, elle rencontre Stanislav qui veut faire sa vie avec elle mais elle sait que tout peut s'effondrer. Un jour, un cousin est venu au café où elle travaillait, il lui a dit ceci, « Où que tu ailles, nous te trouverons. S'il le faut, nous nous adresserons aux forces de l'ordre, d'ici ou d'ailleurs. »
Car en Tchétchénie, la police considère que la honte d'une famille quand une fille s'échappe est une honte collective... Et entre polices on s'entraide... Et le 23 aout dernier, ce sont deux policiers de Saint-Petersbourg, avec deux tchétchènes en civil, qui arrêtent Stanislav et Seda devant leur domicile, sur la foi d'une plainte pour vol déposée en Tchétchénie par la mère de la jeune femme, Seda est renvoyée à Grozny, dans sa famille, et depuis, rien.
Stanislav s'est converti à l'Islam et a demandé à la famille la permission d'épouser Seda, on ne lui a rien répondu; Lena l'amie de Saint-Petersbourg a porté deux fois dans les rues de sa ville un manteau sur lequel est brodé le visage de Seda, elle distribue des tracts avec ce visage et cette question, "où est Seda", dans le pays quelques belles âmes se photographient avec le tract sur des boucles telegram, en général, ils floutent leurs propres visages tant les peurs sont grandes...
Vous sentez-vous innocents de ne pas être de Russie, de Tchétchénie? Le même site du Monde me guérit de cette illusion. Là, nous entendons, nous voyons des femmes et des hommes noirs, épuisés, assoiffés que des polices ont raflé dans des villes du Maroc, de Tunisie, de Mauritanie, et ont emmenés dans le désert; abandonnés au sable et au soleil, quémandant de l'eau -nous vous avons déjà raconté ces pratiques destinées à écoeurer les migrants, à les dissuader de s'approcher de la mer. Mais ce que démontre le Monde, c'est que ces tortures massives sont organisées avec des véhicules que l'Europe fournit, financées avec les subventions que l'Europe distribue, par des agents que l'Europe forme - car ces pays sont nos gardiens contre l’immigration. Nous avons les mains propres, la conscience, c'est comme on voudra.
Dans Ouest-France je vois une vieille photo d'une jeune femme heureuse, Suzanne Lesourd, qui posait en famille en 1938, 39 peut-être... En aout 1944, à Monterfil, Ile-et-Vilaine, près de la forêt de Brocéliande, des hommes se disant résistants ont pris Suzanne et puis Marie Guillard et sa fille Germaine, qui sous l'occupation avaient travaillé dans un centre de transmission allemand, et après les avoir tondues, décorées de croix gammées, dénudées, exhibées en carriole, les ont pendues, puis recouvertes de quelques pelletées de terre... Une plaque sur le monument au mot rappelle leur sort, "victimes innocentes de l'épuration sauvage" - il n'est pas mauvais de se souvenir de cette innocence-là.
On parle aussi de pardon...
Dans le Progrès et sur le site du Parisien, où vous rencontrez Anaïs Gletty, qui avait 22 ans en 2012 quand son père Philippe, chef d'entreprise, avait été tué par sa secrétaire qui était aussi sa maitresse, dans un bois du Pilat, dans la Loire; douze ans après, elle raconte dans un livre comment au procès, écoutant la plaidoirie de l'avocat de celle qui avait tué son père, elle a ressentie une empathie pour cette femme prénommée Bettina dont la vie avait été une construction bancale, elle lui a écrit, elle l'a rencontrée quand elle est sortie en libération conditionnelle, une seule rencontre, on appelle ça la justice restaurative, Bettina lui a dit qu'elle lui rendait son humanité, AnaPis a sorti un livre qui s'appelle, "pardonner", sa fillette d e 9 ans l'a offert à sa maitresse à l'école...
Dans la République du Centre, au moment où commence aux assises le procès d'un prêtre accusé d'agressions sexuelles et de viols sur des enfants de colonies de vacances dans l'autre siècle, je lis le remords de Jacques Blaquart, évêque d'Orléans, qui était à la pointe du combat dans l'église contre le silence, appelait les victimes à parler, mais qui s'est retiré dans le silence après le suicide d'un prêtre -Pierre-Yves Fumery, accusé inquiété à tort et qui ne l'avait pas supporté... « Pardonne-moi de ne pas avoir vu ta détresse, Pierre-Yves », avait dit Mgr Blaquart dans son homélie, comment se pardonner à soi-même?
Et on parle enfin de deux frères...
Patrice et Michel dont un beau film, « Frères », raconte l'histoire, qui avaient vécu 7 ans dans une forêt en Charente-Maritime entre 1949 et 1956... Nous vous en avons parlé... Mais dans Sud-Ouest je lis que les riverains de Chatelaillon, les anciens des Boucholeurs, les pêcheurs, leurs contemporains, leurs héritiers ont des doutes et plus que cela, n'y croient pas, y avait-il seulement un bois... et c'est un article à la fois cruel, et fascinant, qui rassemble des bribes de réalité, que j'essaie, lecteur, de coller à ce que je ne veux pas être une fiction...
Dans le Berry Républicain, je lis que les enfants d'une octogénaire s'inquiètent pour leur mère, amoureuse d'un monsieur septuagénaire, qui serait architecte, dit-il, mais qu'ils soupçonnent d'être un escroc, elle ne l'a jamais rencontré, parle avec lui sur Facebook, lui adonné 80.000 euros, elle lui parle encore alors qu'il est en prison, lisez, elle refuse que ses enfants s’en mêlent, est-ce beau, est ce horrible?
Dans le Courrier Picard et sur le site du Parisien, vous lirez comment hier, à Crèvecoeur-le-Grand dans l'Oise, le directeur d'une course cycliste amateur, les routes de l'Oise, Frédéric Lenormand, s'est retrouvé 300 mètres sur le capot d'une voiture qu'il voulait empêcher de fuir, blessé au genou et à la cheville, mais surtout écoeuré…
Car le chauffard qu'il voulait bloquer se sauvait pour qu'on ne contrôle pas son vélo, qui faisait un drôle de bruit et sur lequel se voyaient des cables suspects, on appelle ça le dopage mécanique, un moteur pour la route… Et tout ça pour une course amateur « où il n'y a rien à gagner sinon un paquet de pâte », lis je dans le courrier picard, ou « un filet garni », lis je dans le Parisien.
Le cycliste supposé chauffard a passé la cinquantaine. Il n'est pas inconnu dans le petit monde du vélo et au-delà. Giovambattista Iera, Gio Iera, il possède des restaurants italiens aux États-Unis, en Espagne et en France, il a joué le rôle d'une coureur cycliste dans le Vélo de Ghislain Lambert en 2001 où Benoit Poelvoorde rêvait de victoire. Il est aussi, Gio Iera, sponsor officiel de l'équipe professionnelle Astana. Il courait dans l'Oise avec une jeune équipe amateur du Nord, l'AC Bellaingeoise, qui est à peu près aussi dévastée que moi…