La revue de presse
Mercredi 22 mai 2024
La guerre de Gaza fait la fortune de l'aventurier bédouin Ibrahim El-Argani, maître du Sinaï, le Monde
Le Nouvel Obs lance une pétition pour la justice environnementale. Le Parisien raconte une dispute à Villejuif autour d'une fresque dans une station de métro, qui célèbre la mémoire ouvrière plutôt que Gustave-Roussy. Le Figaro se souvient superbement d'un triomphe de Raymond Poulidor en 1974.
On parle d'une fortune...
Que la guerre de Gaza a apporté à un bédouin du Sinaï, ancien chauffeur de taxi contrebandier, contestataire passé par la prison, devenu en quelques années homme d'affaire millionnaire et chef de milice louvoyant entre les services secrets, allié du Président égyptien Al-Sissi…
Voilà Ibrahim El-Argani, que le Monde nous raconte sur son site, que l'on surnommait le « roi du passage de Rafah », et qui possédait -avant que les Israeliens n'en reprennent le contrôle- un monopole sur ce terminal, qui relie Gaza à l'Egypte... Un monopole sur les échanges commerciaux entre le territoire et l'extérieur, un monopole sur le passage des êtres humains...
Et dans la guerre, depuis octobre, les sociétés de Ibrahim El-Argani auraient réalisé 88 millions de dollars de bénéfice, entre les taxes prélevées sur les camions de l'aide humanitaire et les droits de passages des Gazaouis fuyant le territoire - 5000 dollars, 4600 euros par adulte...
Avant le Monde, Libération et l'Humanité notamment ont raconté la fortune du personnage, qui n'a pas eu l'existence facile... Al Argany a perdu un frère en 2008, tué par la police égyptienne quand le pouvoir, à l'époque celui de Moubarak, s'en prenait aux tribus bédouines, il s'était révolté, avait pris des policiers en otage, avait été arrêté... Mais cinq ans après, une révolution et un coup d'état plus tard, l'Egypte se battait dans le Sinaï contre les djihadistes et Al Argany mobilisait ses bédouins aux côtés de l'Etat... Le business est au bout du fusil...
Al Argany est devenu magnat de l'immobilier, il construit des infrastructures dans le Sinaï. Il a été élu le 1er mai à la tête de l’Union des tribus arabes, qui fédère des tribus bédouines dans tout le pays, c'est la première fois qu'une entité tribale s'autonomise ainsi dans un pays centralisé -mais la dernière ville construite par Al Argany s'appelle Al-Sissi, comme le Président... Et la reconstruction de Gaza sera le jour venu sa nouvelle fortune...
Ainsi les guerres sont la fortune de quelques aventuriers.
Il donne le vertige, le destin d'El Argani, quand on lit dans Télérama le dévouement des archéologues de l'école biblique française de Jérusalem, qui font émerger le passé d'une terre tourmentée... Le 7 octobre l'archéologue René Elter fouillait à Gaza une ancienne nécropole romaine quand des roquettes ont passé au-dessus de sa tête. Il a été exfilré après un mois, mais a laissé derrière lui ses collaborateurs palestiniens à qui il envoie des messages comme une bouteille à la mer, et eux le rassurent, pour l'instant, les sites sont préservés...
Dans le Figaro vous lisez les destins de libanais chrétiens, devenus israéliens à la chute de l'armée du Liban-sud, milice alliée d'Israel, qui combattait le hezbollah. Ils vivent à Naharya, au Nord de leur nouveau pays, ils se souviennent de massacres dont au Liban leurs familles furent victimes -le Proche-orient est cette région où chacun a ses douleurs, sinon ses raisons...
Sur le site de Haaretz, grand journal libéral israélien, je lis un éditorial du rédacteur en chef Aluf Benn, qui soutient ceci: c'est une commission d'enquête israélienne, indépendante, qui devrait déterminer si effectivement. la population de Gaza a été délibérément affamée par Israel, si l'armée a délibérément tué des civils palestiniens, si Israel est dirigé par un criminel de guerre ou contre l'humanité. Benn considère -l'Express a publié un de ses textes en ligne - que son gouvernement mène Israel a la catastrophe. Il se démarque ici des accusations d'antisémitisme brandies par Benjamin Netanyaou contre la Cour pénale internationale. Ce journaliste minortaire croit en son pays.
On parle encore de justice...
Que sur le site du Nouvel Obs une pétition invoque contre les crises climatiques et écologiques, signée par des scientifiques des militants des artistes des politiques, vous lirez sur le web et dans le magazine demain, emmenés par l'ancien procureur général François Mollins. Le texte s'intitule « Justice pour l'environnement », il fait valoir ceci: "La réponse pénale à la délinquance environnementale – troisième activité criminelle la plus rentable dans le monde – demeure insignifiante. Ce contentieux représente moins de 1 % des affaires jugées par les tribunaux français (…) et les condamnations prononcées demeurent, dans l’immense majorité des cas, dérisoires. Ce qui confère aux pollueurs et autres délinquants environnementaux une forme d’impunité." Ls signataires demandent que l'on prenne au sérieux et que l'on subventionne la réponse juridique à ce qui nous emporte... Je lis aussi sur nouvelobs.com un cabinet d'avocats qui s'est spécialisé dans le combat environnemental, qui s’en prend, s'en est pris à Total, à Danone qui aimerait trop le plastique, à Casino qui vend de la viande issue de la déforestation en Amazonie, à la BNP qui soutiendrait des multinationales du pétrole, j'en passe, le cabinet s'appelle Seattle, comme c e chef indien qui lançait à des colons en 1854: « Comment pouvez-vous acheter le ciel ou la chaleur de la terre ? »
Pendant ce temps la Croix nous dit les illusions de la reforestation de l’Afrique, et la Charente libre nous raconte, comment les batteries au lithium, entre autres de nos vélos électriques, de nos téléphones, de nos transitions rêvées , de nos cigarettes électroniques aussi, s'enflamment, sans prévenir, des petites bombes à retardement.
Et on parle enfin d'un fils...
Vivien Petret, dont le père Yvan, agent de Dijon métropole a mis fin à ses jours en décembre dernier, et qui a porté plainte contre son employeur, nous raconte le Bien public -longue histoire de souffrance dont la famille d’Yvan ne soupçonnait rien, et une phrase me marque... "J'ai beaucoup appris sur les conditions de travail de mon père"... Que savent nos enfants de nous?
Dans l'Equipe, vous lirez une femme inquiète, grande dame du sport français Yolaine Yengo, star du rugby à 7, qui aujourd'hui s'inquiète de ne plus être forte pour les bleues, car elle est Kanak, de Nouvelle-Calédonie, et a peur our les siens, elle dit: "N'importe lequel de nos proches risque sa vie"...
On est loin ici du sublime papier du Figaro sur Raymond Poulidor, dont on célèbre cette année une victoire mythique dans une étape Pyrénées il y a cinquante ans, c est un bonheur d’écriture. Il a sa statue à Saint-Lary Soulans, Poupou qu'on surnommait « Pouliche » jeune tant il grimpait bien et que son manager Antonin Magne une fois avait giflé en l'appelant « Monsieur Poulidor », est-ce imaginable ce temps-là.
Dans le Parisien vous lirez une dispute qui oppose la mairie communiste de Villejuif, Val de Marne, à son opposition de droite à propos d'une fresque qui va décorer une station de métro à venir, et qui honore la mémoire ouvrière de la ville, ses solidarités, on s'y échange des fruits sur le marché, on voit un tee-shirt de la CGT… Mais l'opposition aurait préféré qu'on honorr l'institut Gustave-Roussy, haut lieu de la lutte contre le cancer, qui sera desservi par la station en construction.
Et plus qu'un Clochemerle gauche-droite -c'est une belle question. Que doit on honorer -le peuple ou la médecine, les solidarités de classe ou l'excellence... Le Parisien me dit que d'autres fresques viendront dans la future gare, qui seront un hommage aux soignants de l'institut... Car dans une gare, il y a plusieurs quais, comme nous avons plusieurs identités.