La revue de presse
Jeudi 6 juin 2024
L'Alsace et les DNA se souviennent d'un soldat de 18 ans mort en Normandie l'été 44 sous l'uniforme allemand.
Quand les journaux d'Alsace pensent aux malgré-nous, Presse-Océan raconte Augustin Hubert du commando Kieffer, tué à Ouistreham le 6 juin 44. Il n'avait pas connu son père mort en 17. La Croix nous rappelle Max Picard, qui en 1945, décrivait Hitler comme le produit de notre chaos.
Vous nous parlez d’un soldat…
Dont vous verrez dans l’Alsace et dans les DNA la photo déchirée par la balle qui le tua le 7 juillet 1944 au moment où il voulait se rendre, à Angoville sur Ay dans la Manche… Il la portait cette photo sur lui dans son portefeuille que la balle troua, ce soldat de 18 ans aux yeux clairs, mince, le cheveux en arrière et le cou long qui dépasse de l’uniforme au col siglé de l’insigne SS…
Car il combattait dans la Waffen SS René Sorgius qui était alsacien, un de ces enrôlés de force, les malgré-nous dont les DNA et l’Alsace réveillent le souvenir ce jour de commémoration, quand chacun peut penser aussi à sa propre mémoire…
Et celle des journaux alsaciens passe par eux, les 343 alsaciens-mosellans morts du côté allemand dans les batailles qui suivirent le débarquement. René, dont l’Alsace a déjà raconté l’histoire il y a onze ans, avait voulu déserter et on l’avait retrouvé mouchoir blanc à la main, sorti de son trou pour se rendre aux américains qui n’avaient pas compris…
Dans Presse-Océan je lis Augustin Hubert qui avait 26 ans, huit de plus que René Sorgius, et qui est mort un mois avant lui, le 6 juin 1944, sous un autre unforme, celui des bérets verts, les fusilliers marins du commando Kieffer, seule troupe française au feu près des alliés dans le débarquement, qui prirent le casino de Ouistreham Riva Bella d’où un sniper allemand faucha ce sous-lieutenant rouquin binoclard qui n’était pas grand, 1m63, et qui avait suivi des chemins difficiles avant de recontrer la guerre. Il était passé par l’école des officiers, l’armée de Vichy, les chantiers de jeunesse, organisation pétainiste, par l’Algérie , avant de pouvoir rejoindre la France libre après 1942, on s’était méfié de lui d’abord avant de l’accepter chez les fusilliers marins… Il avait grandi dans le souvenir de son père qu’il n’avait pas connu, qui était aviateur tué au-dessus de la Valdaincourt près de Verdun en aout 1917, huit mois avec avant sa naissance… Ainsi sont les destins…
Il me vient disant cela un remords de n’avoir pas dit le nom de Marcel Labas, quartier maitre, qui mourut avec Augustin Hubert le 6 juin…
On pourrait lire et lire et encore des noms de héros de victimes, et dans nos mots peut-être conjurer des injustices, redresser les histoires.
Il n’est pas anodin que Ouest-France, magnifique photo de Une en couleur, se soit associé au Guardian britannique pour son édition de ce jour, en parie bilingue… Car le Royaume-Uni est le mal-aimé de la mémoire du 6 juin 44-c’est bien raconté dans Libération, dans l’Opinion aussi, dans le Monde… Pourtant, sa part dans la guerre fut décisive -les bateaux du débarquement étaient britanniques, la majorité des soldats débarqués britanniques et canadiens- mais elle fut éclipsée par l’aura de l’Union soviétique à la libération, puis par les Etats-Unis, le courage de ses soldats, la puissance de son cinéma et de ses séries…
Ouest-France nous raconte une lettre de rupture que Winston Churchill n’envoya pas au général de Gaulle, quand celui-ci fit mine de ne pas associer la France libre au débarquement des alliés -mais il changea d’avis et Churchill n’envoya pas sa lettre: quelle histoire aurions-nous raconté!
On parle aussi de la Russie…
Absente des cérémonies mais au-dessus de nous menaçante -lisez le Point notamment… Mais cette Russie n’est pas réductible à Vladimir Poutine, dit l’Humanité dont la Une est belle -des soldats allés photograhiés de face, descendant d’une barge et le titre lourd de sens. « 6 juin 1944, l’autre front de la libération »: car le journal communiste lui n’oublie pas qu’au même printemps l’Union soviétique était à l’offensive à l’Est de l’Europe, et regrette dans son éditorial que l’absence de toute représentation russe -anciens combattants, opposants politique- « passe sous silence les 27 millions de morts soviétiques » de la lutte contre le nazisme. On pourra objecter que Volodymyr Zelensky, qui fait la Une de libération, président de l’Ukraine, est aussi l’héritier de cette histoire.…
Mais c’est bien pour sa guerre sa survie au présent, que Zelensky est au coeur de cette célébration occidentale -l’Opinion souligne que le Sud de la planète n’y participe pas…
Dans Libération encore et dans l’Express, on me parle des jeunes ukrainiens, car comme en 44 ce sont les jeunes gens qui meurent dans les batailles, et je lis dans Libération la peur mêlée à la honte de ceux qui ne se sentent pas capables de combattre et rusent pour échapper à la conscription, et je lis dans l’Express -très bon article-comment ceux qui se battent depuis février 2022 sont épuisés, et l’Ukraine a hésité avant de lancer ses jeunes gens au front, son économie, son avenir, dépendent d’eux… Elle manque de jeunes l’Ukraine -dans les années 90-2000 une crise économique a fait chuter le taux de natalité et cela dépeuple aujourd’hui l’armée d’un pays qui lutte pour sa survie…
On parle enfin d’un philosophe…
Qui la guerre finissante essayait de comprendre l’horreur qui s’achevait, et dont la Croix me dit que son livre majeur, est republié, paru en Suisse en 1945, l’année de la Victoire -il est le juste complément de nos célébrations…
Le titre du livre en français était « l’homme du néant « , mais en allemand, plus dérangeant, « Hitler in uns selbst », Hitler en nous même…
L‘auteur s’appelait Max Picard. Un philosophe né juif en allemagne, qui était devenu catholique et reviendrait vers le judaïsme à la fin de sa vie, il est mort en 1965, il s’était exilé en suisse dès les années vingt pour être ans la paix de la nature, au Tessin, il aimait le silence, le monde le griffait…
Mais au lendemain de la guerre il voulait disséquer cliniquement, spirituellement, ce qui nous avait pris.
Picard voyait le nazisme non pas comme une aberration mais la conséquence de son époque qu’il voyait marquée par le chaos… « Dans ce monde, où tout n’est qu’instant, on n’a pas le temps de vivre avec l’homme et de le connaître», écrivait Picard, pour qui Hitler avait pu s’installer dans ce le chaos où tout se valait, où l’instantanéité, la discontinuité rendait le bien et le mal identique…
La Croix constate que la description que faisait Picard du chaos qui annonçait Hitler cadre aussi avec notre temps… Sommes nous vides aussi et quel chaos peut nous habiter…
Le Nouvel Obs décrit l’extreme droite à l’offensve en europe, le Guardian, partenaire de Ouest-France, nous dit que ce 6 juin 2024 survient dans un moment de montée du nationalisme et de growing carelessness, carelessness signifiant négligence et ce mot prend ici une valeur spirituelle.
La Croix nous dit aussi un théologie allemand mort lundi Jürgen Moltmann, qui en 1945, quand Max Picard essayait de saisir le chaos, était fait prisonnier, un jeune homme enrôlé dans les jeunesses hitleriennes, et en Angleterre dans sa détention découvrirait la foi -elle fut l’affaire de sa vie… pour arracher la création à son gémissement, l’image est de saint-paul…
Max Picard, lui, nous donnait ce viatique.
Qu’un enfant naisse, que deux êtres s’aiment, qu’un homme meure, l’événement s’enracine en de telles profondeurs originelles qu’il offre toujours la chance d’un homme nouveau et d’un monde nouveau. »
Je pense à cette phrase lisant les quatre pages bouleversantes que Nice Matin consacre à ben, cet homme qui écrivait les pensées de l’artistes et qui n’a pas voulu vivre au-delà de sa compagne. Le titre Nice Matin est en cursives à la façon de ben, comme le titre de l’une de l’équipe, tout est question d’envie, qui illustre la victoire hier de l’equipe de France de foot.. Il fait aussi Ben la Une de l’Indépendant pour une raison majeure. Il avait signé l’étiquette d’un vin.