La revue de presse
Mercredi 12 juin 2024
En Californie, le Monde raconte la renaissance d'une rivière et la réparation du monde du peuple des saumons!
Pour le numéro 500 du Un, l'historien Patrick Boucheron compare notre Covid à la peste moyenâgeuse, à qui nous devons "le Decameron". Le Wall street journal dévoile des messages implacables du leader du Hamas Yahya Sinwar. Jeune, Françoise Hardy redoutait à tort de voir le vide en elle, Libération.
Vous nous parlez d'une rivière...
Qui se nomme Klamath, au Nord de la Californie, et que le site du Monde m'invite à écouter car elle s'apprête à revivre, cette rivière sacrée des indiens Karuk et d'autres tribus autochtones, qui depuis un siècle avait été brisée par des barrages, construit pour produire de l'électricité... Ces barrages avaient détruit le monde des tribus, car les saumons, les lamproies, les truites arc-en-ciel ne pouvaient plus remonter de la mer, une algue toxique polluait les eaux et les indiens constatant la mort de leur fleuve sacré, ces indiens qui sont les peuples du saumon, perdaient, disent-ils « notre mode de vie et notre sens de nous-mêmes »...
Mais la vie revient, pourtant, après vingt ans de batailles politiques et juridiques, les centrales électriques ferment, les barrages s’ouvrent, seront démantelés, la rivière restaurée, et aux Etats-Unis cette victoire des indiens est un événement sans précédent...
Je lis un mot indient qui peut signifier réparer, renouveler le monde « Pikyavish », que nous explique un militant et médecin de son peuple, qui a échappé à l'extinction, auxquels les autorités présentent des excuses solennelles pour le sort qu'il subit jadis, quand l'Etat de Californie avait payait "cinq dollars par tête, trois pour les scalps», l'élimination de ces indiens obstacles au progrès.... Pikyavish, on répare. Les autorités reconnaissent aussi que, privés de saumon, les Indiens ont subi le diabète, les maladies cardiaques... Et désormais les indiens demandent qu'on leur rende aussi la gestion des forêts et le contrôle du feu... Car car tout est lié dans leurs culture tout est relié, le Grand créateur, les hommes, la nature… Le feu produit la fumée, qui jette de l'ombre sur le fleuve, empêche la température de s'élever et protège le saumon. Pikyavish.
J'ai gardé ce mot en tête lisant dans la Croix comment la guerre que la Russie impose à l'Ukraine a précipité une catastrophe sur des eaux européennes, celles de la Mer noire, espace fermé à l'écosystème si fragile, suer lequel se sont déversées il y a un an des millions de mètres cubes d'eau polluées, libérées par la destruction d'un barrage hydro-électrique sur le Dniepr. On évalue les dégats. Qui saura réparer.
Je me suis demandé si ces deux événements seront inscrits dans l'histoire, la blessure d’une mer ou la renaissance d'un fleuve, nos descendants jugeront-ils les affres de la nature digne de leurs livres? Dans l'hebdomadaire le Un, l’historien Patrick Boucheron observe que nous commençons à peine à intégrer dans nos raisonnements ce que nous enseigne le dérèglement climatique, que le temps de l'homme et le temps de la nature ne sont pas séparés.
Boucheron est un des grands témoins du Un qui célèbre son 500eme numéro, et se demande ce qui aura compté dans sa jeune existence... L'historien se prête au jeu avec prudence, car « l'histoire n'est ni un criminel ni une maladie, elle ne récidive pas ».
Il constate quand même ceci. Que le XXe siècle dans lequel il a grandi et qui l'a formé est désormais le siècle dernier, donc un pays étranger, et que dans ce vieux siècle, après la grande guerre, un livre d'Oswald Spengler, « Le Déclin de l’Occident", avait enhousiasmé ses lecteurs alors qu'il était « désespérant », et il se demande Boucheron pourquoi nous aimons nous faire tirer vers l'abime, et c'est un effort constant de résister à sa mélancolie. Il nous dit aussi que la grande maladie de notre temps, le Covid, fait pâle figure, comparé à la peste de 1348, car elle n'a inspiré aucune grande oeuvre littéraire -la Peste, elle, avait produit le « Decameron » de Boccace. Boucheron nous concède quand même le philosophe Bruno Latour qui nous invitait à faire la géographie de nos attachements. Il disait : voyons ce à quoi on tient vraiment et ce à quoi on est prêt à renoncer… C'était une bonne question.
On parle aussi de sacrifices...
Et des morts dans lesquels un peuple trouvera son salut... Ces morts qui « insufflent de la vie dans les veines de cette nation, en l'exhortant à se hisser toujours plus haut vers sa gloire et son honneur »... Ce sont les mots que Yahya Sinwar, le dirigeant du Hamas qui décida de l'attaque du 7 octobre, a envoyé en avril au dirigeant politique du mouvement islamiste palestinien, Ismaël Haniyeh, dont trois fils avaient été tués par une frappe israélienne... Et ce message et d'autres de Sinwar ont été lus et publié par le Wall Street journal, vous les lirez dans l'Opinion et sur le site de Courrier international... Vous y lirez la détermination de Sinwar, qui dit que la guerre a amené Israël là où il le souhaitait, qui semble faire bon marché des vies de son peuple dont les 37000 morts, étaient des « sacrifices nécessaire »... Le Wall street journal parle d'un « mépris glacé pour la vie humaine » du dirigeant islamiste... Mais on pourra y lire aussi la tragédie palestinienne et le fruit d'une vie.
Dans un roman qu'il avait écrit en 2004, qu'il disait inspiré par sa propre expérience, Sinwar racontait un petit garçon dans un camp de réfugié dont le père a creusé un trou, recouvert de bois et de métal pour en faire un abri, et le petit garçon veut sortir du trou, mais sa mère crie: « C'est la guerre dehors ! Tu ne sais pas ce que la guerre veut dire ? ».
Il sait désormais et depuis longtemps.
C'est en prison en Israël, que Sinwar avaitt écrit ce roman, prison où il avait été sauvé par un dentiste israélien qui avait deviné chez lui une tumeur mortelle, cette histoire a été racontée par le New York Times et se trouve sur le site de Libération. Ce dentiste, Yuval Bitton, a perdu un neveu dans l'attaque du 7 octobre, mort enlevé par le Hamas, il avait espéré que Sinwar par reconnaissance, soit au courant et sauve sa vie...
Sur le site de Haaretz, grand journal israélien, j’ai lu, c'est un reportage qui date d'avril, que parfois à Gaza des habitants maudissent le Hamas et appellent leur âne « Sinwar », du nom de cet homme qui leur a amené le malheur. Mais j'ai lu aussi ce reportage qui date de la semaine dernière, sur une famille de Palestiniens déracinée humiliée le fils battu menacé de mort par des colons qui veulent prendre sa place en Cisjordanie...
Dans l'Humanité, qui s'interroge sur l'antisémitisme et comment y faire face, un sénateur communiste, Pierre Ouzoulias, à ma surprise, nous rappelle que les mouvements révolutionnaires sont redevables à la culture juive d'un concept appelé « Tikkoun Olam », la réparation du Monde. Je connais des indiens qui ont un mot pour ça.
Et on parle enfin d'une grande dame...
Qui nous a quitté au bout de ses forces agée de 80 ans, et dont nous parlons beaucoup ce matin, c’est bien le moins que nous devons à Françoise Hardy qui appartient à notre histoire, dont le visage rare les yeux songeurs sont à la une de Sud-Ouest, et que bellement, dans toute la presse bouleversée, nous ramènent les sites de Libération, du Monde, du Nouvel Obs, de Télérama. Elle était introvertie, elle s'était trouvée laide, elle avait préféré l'amour à la scène, et jeune vedette, tout au début, au journaliste télé qui l'interrogait ainsi, "quand vous vous regardez le matin dans la glace, comment vous vous imaginez à l'intérieur de votre tête ?», elle répondait, les yeux dans le vague... "Oh je n'y pense pas, j'y pense rarement. J'aime autant y penser le moins possible. Ça me fait peur... J'ai peur du vide que je risque d'y trouver.»
Elle était le contraire du vide, comment lui dire adieu.