La revue de presse
Jeudi 13 juin 2024
Libération entend les spasmes d'Inès Chatin, qui fut violée enfant dit-elle, par des hommes du meilleur monde.
L'Est-Républicain nous dit Pierre-Olivier Kleist, infirmier militaire accusé d'homicide, qui s'est tué en prison. La Montagne et l'Ardennais nous racontent des maquis décimés oubliés, des civils déportés, l'été 44... Le Monde se souvient du Dépôt où de 40 à 44 défilaient les juifs condamnés...
Vous nous parlez d'un soldat...
Qui se nomme Pierre-Olivier Kleitz, et qui toute sa vie a voulu aider les autres, nous dit l'Est républicain sapeur pompier chez lui en Haute-Saône, bénévole pour la croix-rouge, et finalement infirmier militaire, "car le sens du devoir et du service à la nation coule dans mes veines", dit cet arrière petit-fils de résistants..
En septembre 2023, en Opex, opération extérieure, Pierre-Olivier Kleitz soigne un allié, un soldat tchadien, qui, dit-il, l'attaque soudain avec un scalpel, des ciseaux, alors il tire pour se défendre et tue son agresseur... Mais la justice en France doute de sa légitime défense et en en avril dernier, on l'interpelle chez lui, on le met en examen pour homicide volontaire, on le laisse en liberté mais le parquet fait appel et le 14 mai, il est écroué à Fresnes, où quatre jours plus tard, à partir de là il faudrait parler de lui au passé, il s'est donné la mort...
Et désormais c'est sa famille ses parents qui demandent des comptes à la justice, au Garde des sceaux, qui ne répond pas, pourquoi était il seul dans sa cellule, pourquoi n'a-ton pas tenu compte de ses fragilités, lui ne s'était pas remis d'avoir vu son véhicule sauter une mine un jour au Mali...
On le voit souriant dans le journal, un baroudeur tendre à lunette et sur le site de l'Est républicain je le retrouve pas peu fier, ce jour où à Héricourt on avait inauguré une rue au nom de ses arrière-grand-parents Juliette et Marcel, qu'on surnommait Hélice dans le maquis.
Des mémoires me viennent ainsi dans les journaux. On me parle de violences du printemps de l'été 44 dont je n'avais pas idée -je savais Oradour, Tulle, les Glières, mais j'ignorais les dizaines de mort du maquis du Mont Mouchet, dans le Cantal, que raconte la Montagne, morts au combat, morts fusillés, et j'ignorais les 109 déportés de Murat, qui furent pris par l'occupant après la mort d'un officier bourreau, un SS dénommé Geissler, tué par la résistance le 12 juin, juste après avoir fait fusiller quatre hommes dans un bois, et que les nazis voulaient venger. Je connais désormais le visage et le nom et le supplice de Georges Parret, un bel homme droit, père de deux enfants, conseiller municipal joueur de foot marchand de vin, mort dans une annexe du camp de Neuengamme de travaux forcés d'épuisement de dysenterie, de furonculose... Le journaliste de la Montagne qui raconte son calvaire, est l'époux de son arrière-petite fille, nous vivons, nous vivrons.
J'ignorais aussi les 106 morts du maquis des Manises que me raconte l'ardennais, pour lesquels aujourd'hui des enfants des écoles entonneront le chant des partisans, et ne savais pas non plus que ce même mois de juin, l'aviation alliée bombarda Angoulême, et la Charente libre, pour nous, se souvient. Le Monde, lui, nous rappelle le dépôt, cette prison au coeur de paris, dans le palais de justice sus l'ile de la cité, qui pendant plus de deux siècle vit défiler des centaines de milliers de personnes, et qui pendant quatre ans sous l'occupation, vit passer les juifs promis à la disparition, parmi eux une jeune femme nommée Dora Bruder que l'écrivain Patrick Modiano nous a rendue immortelle, mais tant d'autres aussi. Je lis le miracle de Hella Hatwich, actrice juive allemande qui avait été la compagne du cinéaste Samuel Wilder, futur Billy à Hollywood, qu'elle n'avait pas suivi en Amérique, hélas. Elle fut arrêtée en 1942, avec Albert Modiano, le père de Patrick, elle parvint à sortir grace a des fonctionnaires dont nous n'avons pas conservé le nom, elle vécut.
On parle aussi de spasmes...
Qui sont une autre mémoire et dont le corps d'une femme de 50 ans nommée Inès Chatin ne sait pas se défaire, quand elle raconte sur le site de Libération comment enfant de quatre ans à treize ans elle fut la proie de prédateurs sexuels dans des jeux pervers que je ne souhaite pas vous imposer ici, comment si un enfant pleurait ou résistait, dans ces parties où les hommes portaient un masque une cape un manteau, c'est sur lui que se concentraient les sévices...
Et nous voilà plongé dans un appartement bourgeois 97 rue du bac dans le beau paris, où dit Inès Chatin, au siècle passé, son père adoptif la livrait, elle et d'autres gosses à ses amis... Adeptes des théories de Gabriel Matzneff sur l'émancipation sexuelles des enfants par les adultes...
C'est le premier volet d'une enquête au long cours de Libération, sur ce groupe de la rue du bac, Willy Le Devin a passé 60 heures à s'entretenir avec Inès Chatin, qui longtemps ne disait rien, dont la peau marbrée seule révélait les traumas... Nous lirons, sur le site, demain dans le journal papier, ces horreurs auxquelles le journaliste dit qu'il a d’abord voulu résister.
On lit des noms de vivants encore et de morts illustres, la bonne société intellectuelle, dont Inès Chatin dit qu'ils furent bourreaux, parmi eux le journaliste Claude Imbert, conscience longtemps et fondateur du Point, le journaliste Jean-François Revel, compagnon des gauches puis sceptique libéral, autre conscience, et l'on est stupéfié et saisi. Le fils de Claude Imbert, il est avocat, dit que son père aimait les femmes, mais pas les petites filles, et que nous vivons l'époque #MeToo, « c'est notre maccarthysme». Les enfants de Jean-François Revel, l'un d'eux est le philosophe bouddhiste Mathieu Ricard, parlent d'un choc immense, et d'une incrédulité, souhaitent que la justice, saisie, puisse établir ce qui s'est réellement passé, et disent ne pas douter de la sincérité et de la douleur de la victime" Qui sommes nous, que laissons nous?
On parle enfin des lumières...
Comme une consolation, ce XVIIIe siècle où la pensée nous rendait meilleurs, et d'où nous vient un livre que recense Libération encore, pour la première fois traduit en français. Le livre d'un homme à l'esprit délié dans un corps difforme aux normes de l'époque, il était nain et bossu et se décrivait ainsi et regrettait ne pas savoir courber son corps pour galamment ramasser l'éventail ou le gant que laisserait tomber une lady..
Il s'appelait William Hay, qui était affligé en outre d'une mauvaise vue et d'une peau rongée de petite vérole mais n'en fut pas moins poète philosophe, époux d'une parente du duc de Newcastle, et élu aux Communes… Et il se félicitait d'être né anglais dans le bon siècle, quand dans l'antiquité greco-latine il aurait été supplicié nouveau né...
Son livre s'appelait « Deformity : an Essay. » Il dévoilait avec candeur disait-il à la façon de Montaigne, son « expérience intime » et plaidait pour que les cessent les tourments infligés à ceux qui lui ressemblaient, il disait que dans la dérision de soi, on pouvait surpasser les autres…. Et ainsi trois siècles avant nous, tant avait été dit et compris…
Dans le Figaro je rencontre un artiste nommé José Manrubia, qui fut torero mais n'aimait pas tuer, et qui a inventé codifié veut promouvoir une corrida sans piques ni faena, où le taureau vivra, c'est difficile dit-il. Il y a cinq ans, le même Manrubia était dans Paris-Match, avec un gilet jaune, marchant pour le référendum d'initiative populaire. Cet homme a de la constance dans les utopies. Dans l'Opinion, vous lirez une enquête du Wall street journal sur Boeing qui, ses ouvriers d'expérience partis à la retraite, doit former vite fait des bizuts venus d'on ne sait ou, pour fabriquer ses avions. Ce serait drôle si l'on ne tremblait pas.