Revue de presse française
À la Une: va-t-on vers une convergence des luttes ?
Publié le : 18/10/2022 - 09:50
Journée nationale de grève et de protestation contre la vie chère et de demande d'augmentation des salaires en France, ce 18 octobre 2022. © REUTERS/Gonzalo Fuentes
Par : Frédéric Couteau
« Syndicats et gouvernement jouent gros aujourd’hui », relève Le Courrier Picard en première page. « Appel syndical à une journée interprofessionnelle de grève des salariés ce mardi (« pour l’augmentation des salaires et la défense du droit de grève »), contre réunion à l’Elysée sur la crise des carburants et nouvelles réquisitions par le gouvernement dans les dépôts : le bras-de-fer attendu depuis l’été se durcit sur le plan social. » Et, note encore le quotidien picard, « la densité des cortèges aujourd’hui annoncera la couleur de l’automne. »
En effet, « journée test », remarque La Provence.
« Les syndicats veulent frapper fort », note L’Union.
« Rentrée sociale : stop ou encore ? », se demande La Dépêche.
« Transports, école, énergie… La grève va-t-elle mobiliser ? », s’interroge en écho Ouest France.
Comment en est-on arrivé là ? Libération redéroule, à sa manière, le film de ces dernières semaines : « Emmanuel Macron, qui avait semblé retrouver un semblant d’humilité au lendemain de la présidentielle (…), a renoué dès septembre avec la verticalité de ses débuts en déclarant vouloir imposer une réforme des retraites dont personne ne voulait. En se montrant raccord avec son ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, qui se déclarait ouvertement hostile à une taxe sur les superprofits générés par la crise de l’énergie, il a achevé de placer l’exécutif dans le camp des grands patrons, en déconnexion totale avec une grande partie des Français qui souffrent de l’inflation au quotidien. Si l’on ajoute à cela un déni du problème des négociations salariales chez Total Energies (déni alimenté par le pétrolier lui-même) et une gestion du conflit en catastrophe, à la hussarde (avec des réquisitions), on saisit l’ampleur du gouffre qui s’est creusé entre nombre de salariés du public ou du privé et les dirigeants du pays. »
Un automne social ?
Alors le mouvement de grogne va-t-il s’étendre ? Va-t-on vers une grève générale ?
Le Monde n’y croit guère : « le succès très relatif de 'la grande marche contre la vie chère et l’inaction climatique', orchestrée dimanche par le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, est venu confirmer l’idée, dans la majorité, que l’'automne social' tant redouté n’était peut-être pas imminent. Et que l’urgence était de prendre le parti des Français, exaspérés par l’action de la CGT. Même si l’exécutif sait que le contexte inflationniste donnera lieu à de multiples revendications salariales. 'L’adversaire du gouvernement n’a pas de visage, c’est un contexte de crises protéiformes. Pour le moment, l’exécutif est dans un entre-deux, il essaie de jouer les intercesseurs', analyse Frédéric Dabi, directeur général de l’institut de sondages IFOP. Avant de s’interroger : 'Mais est-ce que ça suffira ?' Seule certitude, pointe encore Le Monde : entre la grève ce mardi, la crise des carburants et le 49.3 à venir sur le budget, le gouvernement amorce une semaine à haut risque. »
D’autant qu’il règne, sur le dossier du carburant, comme « une impression de flottement à la tête de l’Etat, remarque pour sa part L’Opinion. Faut-il tordre le bras de Total Energies ou dénoncer le comportement d’une poignée de cégétistes ? Faut-il faire porter la responsabilité du blocage sur les patrons ou sur les syndicats ? Ce qui peut réussir en politique – le 'en même temps' - ne fonctionne pas en matière sociale, affirme le quotidien libéral. Donner raison au patronat ou aux syndicats, il faut choisir. »
Dialogue et compromis ? Oubliés !
Et pourtant, soupire La Charente Libre, « le dialogue social et le compromis politique devaient être les marqueurs du second quinquennat d’Emmanuel Macron, un changement de cap et de pied auquel tous les acteurs, gouvernement, partis, syndicats et patronat, affirmaient adhérer avec enthousiasme il y a encore quelques mois.
Au bout du compte, le recours au vote bloqué sans débat, prévu par le 49-3, autant que la grève avec le risque d’enlisement du conflit, sont les symboles de l’échec à faire évoluer notre vieille démocratie binaire et conflictuelle. Certes la France n’est pas l’Allemagne où le dialogue et le compromis sont des vertus ancrées dans la culture et la pratique politique et syndicale. Mais si notre pays ne donne pas vite un sens concret à ces deux mots, prévient La Charente Libre, ce sont d’autres maux auxquels il risque d’être confronté. Car tapis dans l’ombre, prenant soin de se tenir à l’écart des joutes, Marine Le Pen et le RN savent qu’ils pourront tôt ou tard tirer profit du chaos. »