Éditorial - Energie : une ambition à la hauteur des enjeux
Le Monde
Avec un an de retard, en 2024, la France devrait mettre en place une loi de programmation sur l’énergie et le climat, avec pour objectif de diviser par deux la part des énergies fossiles d’ici à 2035. Mais ce volontarisme doit se traduire dans les faits.
Publié aujourd’hui à 10h16 Temps de Lecture 2 min.
La formule est forte mais nécessaire. Pour espérer limiter le réchauffement climatique et ses effets dévastateurs, la France doit s’engager dans une mue comparable par son ampleur à « la première révolution industrielle », selon la ministre de la transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, qui s’exprime dans un entretien au Monde, mercredi 22 novembre. Cette dernière devait publier ce même jour la nouvelle stratégie énergétique française. Elle doit déboucher au cours de l’année 2024, avec un an de retard, sur une loi de programmation ambitieuse.
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Pour contrer la petite musique, issue notamment des rangs du Rassemblement national, qui relativise les travaux du GIEC, ou présente la moindre politique contre le réchauffement comme punitive pour les classes populaires, alors qu’elles sont le plus exposées à ses conséquences, le gouvernement offre en effet un horizon volontariste. Il s’agit de diviser par deux d’ici à 2035 la part des énergies fossiles, qui représentent encore 60 % de notre mix énergétique. Il avance aussi une route pour y parvenir, l’électrification d’une bonne partie de nos usages.
Très inspirée des scénarios élaborés par le Réseau de transport d’électricité, cette stratégie gouvernementale repose sur deux piliers. Le premier est la hausse de la production d’énergie bas carbone, notamment avec le doublement, au moins, du rythme actuel de déploiement du solaire, et la forte hausse de l’éolien en mer. La baisse massive de la consommation constitue le second pilier. Cette dernière serait obtenue en jouant sur l’efficacité énergétique des équipements, comme sur une sobriété qui doit aller encore plus loin que celle, relativement indolore, qui s’est déjà traduite par une très encourageante baisse de 12 % de la consommation de gaz et d’électricité dans le contexte de la guerre en Ukraine.
Vers une hausse des températures de 2,9 °C
Cette stratégie demande de la cohérence. En matière de transports, un SUV électrique de près de 2 tonnes relève par exemple de l’aberration environnementale. Mais elle exige surtout de la détermination − car la France ne produit pas plus d’électricité bas carbone qu’il y a vingt ans − ainsi qu’une agilité dont l’indispensable nucléaire et l’inertie de ses investissements colossaux sont incapables. L’intermittence d’une partie des renouvelables impose le plus large éventail possible d’énergies bas carbone.
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Ce volontarisme doit cependant se traduire dans les faits. En effet, les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie en cours n’ont pas été atteints. Les objectifs fixés sont d’autant plus impératifs que le réchauffement climatique s’accélère, selon le Programme de l’ONU pour l’environnement, au point de placer désormais la planète sur une trajectoire catastrophique d’augmentation pouvant aller jusqu’à 2,9 °C d’ici à la fin du siècle. Bien loin donc de celle envisagée par les accords de Paris, en 2015. Pour la première fois, les 17 et 18 novembre, la température moyenne mondiale a déjà été de plus de 2 °C supérieure à celle de la moyenne saisonnière à l’ère préindustrielle, selon l’observatoire européen Copernicus.
Il ne s’agit pas de la seule mauvaise nouvelle. Comme le reconnaît Agnès Pannier-Runacher dans le cas français, les puits de carbone montrent également leurs limites, du fait de la dégradation des forêts à un rythme imprévu. A la veille de la 28e Conférence des parties (COP28), qui se tiendra du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï, ces faits doivent être inlassablement rappelés pour faire barrage à la tentation du fatalisme.
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