Éditorial - Une bonne nouvelle pour l’Ukraine et l’Europe
Le Monde
En validant l’ouverture des négociations en vue de l’adhésion de Kiev, l’Union européenne a signifié à Vladimir Poutine qu’il faisait fausse route en spéculant sur ses divisions. Une décision d’autant plus importante que, dans le même temps, les élus républicains bloquent l’aide militaire américaine.
Publié aujourd’hui à 10h00, modifié à 10h14 Temps de Lecture 2 min.
L’Union européenne (UE) a envoyé un message clair aux Ukrainiens et à Vladimir Poutine, le 14 décembre, en donnant son feu vert à l’ouverture de négociations en vue de l’adhésion de Kiev à l’ensemble continental. Aux premiers, elle a indiqué qu’ils avaient raison de s’accrocher à l’espoir exprimé depuis plus d’une décennie de rejoindre une Europe libre, prospère et démocratique. Au maître du Kremlin, les Européens ont signifié également qu’il faisait fausse route en spéculant sur la discorde, la désunion et finalement l’affaissement auxquels serait vouée selon lui cette partie d’un Occident qu’il exècre.
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Cette manifestation d’unité était d’autant plus impérative que les mauvaises nouvelles se sont accumulées depuis le constat d’échec, fait cet automne, de la contre-offensive de l’Ukraine dans les parties de son territoire conquises et occupées par l’agresseur russe. Cette impuissance ukrainienne a alimenté à Washington le poison du doute et incité le parti républicain, tenaillé par la tentation d’un isolationnisme étriqué, à bloquer une aide militaire cruciale pour Kiev. Contrairement à la Russie, les alliés occidentaux de l’Ukraine n’ont toujours pas pris la mesure de ce qu’exige en termes d’économie de guerre ce premier conflit conventionnel de haute intensité livré sur le sol européen depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Un chemin long et tortueux
En ouvrant la porte à des négociations d’adhésion qui vont concerner aussi la Moldavie et, sous conditions, la Bosnie-Herzégovine, alors que la Géorgie, également sous la pression de la Russie, s’est vu accorder le statut de candidat, l’Union européenne a répondu géopolitiquement à Vladimir Poutine. Ce dernier avait rabâché le matin même, lors de son interminable exercice annuel d’autocélébration, les mêmes certitudes à propos d’une histoire qu’il ne conçoit que figée pour l’éternité, alors qu’elle ne cesse au contraire d’être en mouvement. Certes, le chemin de l’adhésion s’annonce long et tortueux pour Kiev. L’Union devra tenir dans l’adversité et faire preuve de créativité à propos d’une perspective d’élargissement inédite. Mais, par son vote du 14 décembre, elle se montre à la hauteur des attentes.
Tout n’a pas été exemplaire pour parvenir à Bruxelles à cette bonne nouvelle pour l’Ukraine. Une nouvelle fois, les Européens ont été pris en otage par un pays entré dans l’Union en 2004 et dont le modeste poids démographique est inversement proportionnel à sa capacité de nuisance, la Hongrie. Pour faire fléchir le premier ministre Viktor Orban, qui devrait choisir une fois pour toutes dans quel camp, entre l’UE et la Russie, il se situe, la Commission européenne s’est résignée à débloquer 10 des 30 milliards d’euros alloués à Budapest mais retenus du fait de manquements à l’Etat de droit. Ce qu’un député européen allemand a qualifié de « plus gros pot-de-vin » de l’histoire de l’UE.
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Le Hongrois, qui s’est absenté de la pièce au moment du vote sur l’adhésion, a réussi en revanche à bloquer une aide de 50 milliards d’euros à Kiev. Elle fera l’objet d’une nouvelle discussion en janvier. Son obstructionnisme contraindra certainement les Européens à faire preuve d’inventivité pour le contourner. Il témoigne de la nécessité de réformer une règle de l’unanimité prévue pour temps calme mais qui menace à chaque crise d’ampleur, et elles ne manquent guère désormais, de mettre en panne le projet européen.